vendredi 19 novembre 2021

16 - Les énergies renouvelables sont-elles vraiment une « catastrophe écologique » ?

 Je vous propose cette fois de critiquer point par point cet article publié par Antoine de Ravignan sur le site « https://www.alternatives-economiques.fr/ » le 18 août 2021. 

Cet article cherche à décrypter 6 "contre-vérités" énoncées par les opposants aux énergies renouvelables, et notamment Stéphane Bern. Il me parait intéressant de voir quel est ce discours de façon à se préparer à y répondre.

Dans le texte, certains passages critiquables sont surlignés en jaune, les passages vrais en vert, et mes commentaires et réactions en italiques dans le texte.


Parc éolien dans les Deux-Sèvres. Une éolienne « rembourse » en un an l’énergie qu’a nécessitée sa fabrication, pour une durée de fonctionnement de plus de vingt ans.
PHOTO : Sébastien ORTOLA/REA

Introduction

Mauvais bilan carbone, destruction des paysages et de la biodiversité, matériaux non recyclables… A l’approche des présidentielles, les attaques contre les énergies renouvelables, éolien en tête, s’intensifient. Au nom de la sauvegarde de l’environnement et en pratique pour préserver le statu quo. Un discours parsemé de contre-vérités et qui entretient la confusion.

« Madame Pompili, les éoliennes sont une négation de l’écologie ! » Nous sommes le 30 mai et Le Figaro publie sous ce titre une tribune virulente de Stéphane Bern, animateur, journaliste, auteur, mandaté par Emmanuel Macron pour mener une mission de sauvegarde des bâtiments historiques en péril. Sa philippique est aussitôt accueillie par un tweet de Marine Le Pen : « Je partage en tout point le constat alarmiste de Stéphane Bern sur l’escroquerie des éoliennes. » Puis par un autre de Xavier Bertrand, sobre et efficace : « Tout est dit. »

Je partage en tout point le constat alarmiste de Stéphane Bern sur l’escroquerie des éoliennes. MLPhttps://t.co/tVMa7KD9M9 — Marine Le Pen (@MLP_officiel) May 30, 2021

Tout est dit : destruction du patrimoine naturel et bâti de la France, pollution grave de la nature, atteintes à la biodiversité, artificialisation des sols, soutien aux énergies fossiles… Si la ministre de l’Environnement a répondu à ces attaques, elle fut bien seule au gouvernement.

Le lendemain, 1er juin, sortait à grand renfort de publicité un film, Eoliennes : du rêve aux réalités, consacré à cette catastrophe écologique que seraient les éoliennes. Un certain succès, avec déjà près de 250 000 vues sur YouTube début juillet. Les experts interviewés sont tous des avocats du nucléaire et de son renouvellement en France.

L’effondrement des coûts des renouvelables électriques et l’absence de problème technique ou économique dirimant posé par leur intermittence commencent à jeter sérieusement le doute sur l’intérêt de lancer la construction de six nouveaux réacteurs rapidement après les présidentielles, comme le veulent EDF et une majorité de la classe politique. Dans ce contexte, il est devenu essentiel de gagner la bataille de l’opinion. La crédibilité grandissante des alternatives renouvelables étant en train de faire de l’ombre à l’avenir du nucléaire, tous les arguments sont bons pour dire que le déploiement des énergies ni fossiles ni fissiles (et pas seulement l’éolien) crée plus de problèmes environnementaux qu’il n’en résout. Décryptage de six idées reçues.

Faux : L’étude de RTE montre que le scénario que le scénario N03 à 50% de nucléaire en 2050 fait baisser les coûts d’investissement de 200 milliards d’euros par rapport au scénario M0 du 100% renouvelable si on considère la totalité de la problématique (raccordement, stockage, stabilisation du réseau, ainsi que des énergies thermiques décarbonées qui relèvent à ce jour de la science-fiction.

Faux : Affirmer qu’il n’y a aucun obstacle technique pour résoudre le problème de l’intermittence est assez incroyable et pour le moins osé et de mauvaise foi.

Contre-vérité n° 1 : un maigre bilan climatique 

Une croyance bien ancrée en France est que le développement de l’éolien et du photovoltaïque se ferait au détriment du nucléaire. Ce serait donc un investissement aussi coûteux qu’inutile, puisque nous avons déjà l’atome, qui lui non plus n’émet pas de CO2. RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, a réfuté cette affirmation. La baisse constatée de la production électronucléaire au cours des deux dernières décennies est due principalement au vieillissement du parc nucléaire, qui impose des arrêts pour maintenance et remise à niveau plus longs et plus fréquents, non à l’essor des renouvelables.

Faux et incohérent : On voit aussi souvent l’argument inverse des antinucléaires qui affirment que le développement du nucléaire se ferait au détriment du renouvelable. Le nucléaire souffre effectivement d’un déficit de décisions politiques pour lancer le renouvellement du parc avant de se trouver devant un mur d’investissements. La baisse de production n’a été constatée que sur l’année 2020, à cause de périodes de maintenance de certaines centrales qui ont dû être retardées à cause de la pandémie.

Celui-ci a au contraire permis de réduire l’utilisation des moyens de production thermiques (centrales à gaz, au charbon et au fioul en France et dans les pays voisins), qui auraient été plus sollicités autrement. Dans son bilan 2019, RTE a chiffré à 22 millions de tonnes de CO2 par an les émissions ainsi évitées sur la plaque européenne. Ce n’est pas rien. A titre de comparaison, les émissions de CO2 du mix électrique français sont de 15 Mt/an.

Faux en France : Le renouvelable ne fait réduire les émissions de CO2 que dans un pays comme l’Allemagne qui, malgré un déploiement considérable des EnR,  tire la majeure partie de son énergie du charbon et du gaz depuis l’arrêt de leurs centrales nucléaires. En France où l’énergie est déjà décarbonée grâce au nucléaire, cet argument ne tient pas. La production d’électricité à partir d’énergie fossile est très marginale en France : 38 TWh sur un total de 500 TWh en 2020, à comparer à 50 TWh de renouvelable hors hydroélectricité, et à 340 GWh d’électricité d’origine nucléaire en 2020 (Source RTE).

A l’horizon 2030, le développement de la production éolienne et photovoltaïque prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), combiné à une production nucléaire à peu près stable (379 TWh produits en 2019 et 371 à 382 TWh envisagés en 2028), se traduirait pour les mêmes raisons par des émissions évitées en France et chez les voisins.

Faux : le développement de l’éolien et du solaire est toujours accompagné chez nos voisins dénucléarisés par le déploiement de centrales à énergie fossile (charbon et gaz) afin de palier à leur intermittence.

Contre-vérité n° 2 : un gouffre énergétique

On entend dire que la fabrication d’une éolienne ou d’un panneau photovoltaïque consomme plus d’énergie qu’ils n’en produisent. Une légende. Une éolienne « rembourse » en un an l’énergie qu’a nécessitée sa fabrication, pour une durée de fonctionnement de plus de vingt ans. Pour les panneaux solaires, dont la fabrication exige beaucoup d’énergie (il faut faire fondre et cristalliser du silicium), ce temps de retour pouvait atteindre pas loin de dix années dans les années 1990 pour une installation sur toiture dans le sud de l’Europe. Aujourd’hui, avec les progrès fascinants (!) dans ce secteur, c’est un peu plus d’un an, pour un équipement produisant au moins maximum vingt-cinq ans.

Vrai : L’énergie utilisée pour la construction d’une éolienne est effectivement récupérée sur la première année de fonctionnement, et elle produit ensuite sur une durée de 20 ans. C’est ce qu’on appelle le taux de retour énergétique, qui est de l’ordre de 20 pour 1 pour l’éolien, mais descend à 5 pour 1 si on compte le stockage et les productions de secours. Pour le solaire, on est entre 5 et 10.

A comparer toutefois à l’électricité hydraulique avec des valeurs de 200 à 250 pour 1 et au nucléaire de l’ordre de 100 pour 1 avec des réacteurs qui peuvent durer 60 ans.

Il est en revanche exact que l’empreinte carbone « du berceau à la tombe » de ces renouvelables, c’est-à-dire leurs émissions de CO2 rapportées à leur production sur toute leur durée vie, fabrication et démantèlement compris, diffère peu de celle du nucléaire. Selon les bilans présentés par l’Ademe : 32 g de CO2 par KWh pour le photovoltaïque, 14 g pour l’éolien et 6 g pour le nucléaire. Cette dernière valeur est très sous-estimée car ne tenant pas compte de tout le cycle de vie et mieux vaut retenir la valeur moyenne de 32 g donnée par une étude américaine. C’est de toute façon très peu (1 058 g pour une centrale à charbon et 418 g pour une centrale à gaz).

Vrai : à condition qu’on ne produise pas d’électricité avec des centrales fossiles pour compenser l’intermittence des EnR, comme on le fait chez nos voisins.


Contre-vérité n° 3 : ça se recycle très mal

Soren, l’éco-organisme dédié à la collecte et au recyclage des panneaux photovoltaïques en France, indique un taux de valorisation de 94,7 %. Et pour cause : dans un module, les trois quarts de la masse sont du verre et un dixième, de l’aluminium. Le silicium qui compose la cellule photovoltaïque (environ 3 % de la masse) n’est certes pas recyclé. Mais c’est un problème de coût : le silicium est abondant dans la nature. De façon générale, le sujet de l’approvisionnement en ressources minières que mobilisent les renouvelables n’est pas un problème de rareté physique.

Faux : cela dépend des matériaux considérés. Si le silicium n’est effectivement pas rare dans la nature, ce n’est pas le cas pour des matériaux comme le néodyme (utilisé par les éoliennes), ou dans un moindre mesure le cuivre (nécessaire pour les bobinages et les raccordements), dont l’extraction est très polluante dans les pays producteurs.

Pour les éoliennes, le souci du recyclage, c’est essentiellement les pales, environ 6 % de la masse. Elles sont en fibre de verre, un matériau composite qu’on ne sait pas réemployer (un constat qui s’applique à bien d’autres objets, comme les coques de bateaux de plaisance). Contrairement à certaines affirmations, les pales ne sont pas enterrées, l’enfouissement sauvage des déchets est interdit en Europe. Elles sont brûlées en incinérateur ou dans des cimenteries et fournissent de la chaleur (1). Et avec les constructeurs qui font évoluer leurs procédés, « ce problème de non-recyclabilité des pales sera derrière nous dans quelques années », indique Michel Gioria, délégué général de France énergie éolienne, le syndicat des professionnels du secteur.

Vrai : on ne sait pas bien recycler les matériaux composites, et c’est bien dommage de les brûler. Si l’enfouissement est interdit en Europe, il se pratique aux USA et en Afrique où les pales sont envoyées pour cela. Des procédés de recyclage sont étudiés par différents industriels, mais rien à ce jour qui ne soit pas hors de prix et non producteur de CO2.

Contre-vérité n° 4 : une inquiétante emprise foncière

Une éolienne, c’est une emprise au sol d’environ 100 m2, souligne encore Michel Gioria. Il y a environ 8 500 mâts en France et, selon la PPE, il y en aurait 14 000 à la fin de la décennie : pas vraiment de quoi nuire aux activités agricoles. Quant au fameux socle en béton, les exploitants ont l’obligation de l’excaver en fin de service et il finira comme remblai dans le BTP.

Faux : un budget de 50 000 € est bien prévu dans les contrats depuis que c’est une obligation légale. D’une part, de budget est très insuffisant pour extraire le socle en béton, et les industriels se contentent de recouvrir le socle d’une couche de 1 ou 2 mètres de terre. D’autre part, cela suppose que l’industriel qui a signé le contrat existe encore au moment du démantèlement. Les agriculteurs découvrent en général très tard que ce démantèlement est de leur responsabilité.

De leur côté, les centrales solaires au sol prennent de la place. Mais comme le rappelle Aimé Boscq, chargé de mission à Enerplan, syndicat des entreprises du solaire, « ce développement s’est fait jusqu’ici essentiellement sur des terrains non valorisés : friches, anciennes gravières ou sites pollués… La réglementation est stricte et les espaces naturels, agricoles et forestiers, bénéficient de protections importantes ! ». 

Faux : la centrale solaire de Cestas en Gironde inaugurée en 2015 a nécessité le défrichage de 260 hectares de forêt landaise pour une puissance de 300 MW, sur seulement 14% du temps de production en moyenne sur l’année. En effet, la nuit, il n’y a pas de soleil : il faut donc charger sa voiture électrique le jour, alors qu’on en a besoin…. Et même parfois, de jour le temps est couvert…

Selon la PPE, les 20 à 25 GW de centrales au sol visés à la fin de la décennie, un triplement, représenteraient entre 330 et 400 km2, soit moins du millième de l’Hexagone. Selon une étude réalisée par l’Ademe, les friches représentent un potentiel de 50 GW d’installations solaires. « On peut donc développer le photovoltaïque sans impacter les terres utilisées », précise David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes à l’Ademe. « Toutefois, ajoute-t-il, ce calcul est un peu théorique : il inclut beaucoup de surfaces qui n’offrent pas assez de rentabilité pour les développeurs, car trop petites»

Commentaire : Ces « friches » sont aussi des réserves de biodiversité. Le solaire représente actuellement en France 10 GW répartis sur 9000 hectares. La PPE suppose que l’on doublera cette surface, soit 35 centrales identiques à celle de Cestas à construire.

Aimé Boscq le confirme : « Le stock de friches exploitables aisément arrive à sa fin et il y a un vrai problème d’accès au foncier pour atteindre les objectifs de la PPE. » Cela passe par la révision d’une réglementation environnementale souvent trop restrictive : la loi littoral ou la loi montagne empêchent par exemple d’installer des panneaux au sol, quand il ne manque pas de terrains désaffectés dans ces zones qui pourraient être valorisés.

Commentaire : On voit bien que la préservation de l’environnement est le dernier des soucis des promoteurs du solaire, quitte à faire modifier les lois qui le protège.

Contre-vérité n° 5 : le saccage des paysages

En ce qui concerne l’impact des énergies renouvelables sur le climat et la biodiversité, il est possible d’objectiver les situations et de mesurer que bien des critiques, en particulier sur les éoliennes et les centrales solaires mais aussi sur d’autres filières, comme la méthanisation ou le bois-énergie, sont malhonnêtes. En ce qui concerne la « nuisance paysagère », l’argument est imparable car subjectif. Il faut toutefois rappeler que la concentration des installations dans certaines zones obéit très largement à des dispositions réglementaires (procédures d’appels d’offres sans critères géographiques, larges portions du territoire confisquées par l’armée…).

Ceci posé, il reste que « oui, les éoliennes cela se voit. Et oui, les champs solaires, cela se voit. Mais pourquoi ne pas nous dire que ce sont des composantes du paysage de l’après-pétrole ? Que voulons-nous, à la fin ? Faire disparaître les énergies fossiles de notre bilan énergétique ou pas ? », interroge Michel Gioria, délégué de France énergie éolienne. « L’empreinte paysagère d’un système énergétique, ce n’est pas un phénomène très nouveau, ajoute David Marchal, de l’Ademe. Avant la révolution industrielle, l’homme a pu défricher des forêts, puis a fait des terrils, ou construit des barrages… Ce n’est ni nouveau ni facilement acceptable, et tout l’enjeu c’est de faire comprendre l’urgence et l’intérêt collectif de la transition bas carbone. Cela implique entre autres que les collectivités y voient leur avantage et soient partie prenante dans les projets. »

Commentaire :  Ce qui n'est pas subjectif c'est que le renouvelable ne l'est pas vraiment si on considère les matériaux pour le construire, et que son exploitation produit du CO2 lorsque l'intermittence est  compensée par la combustion d'énergie fossile.

Contre-vérité n° 6 : la biodiversité en danger

Des oiseaux se prennent dans les pales des éoliennes. Mais combien ? La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a estimé qu’une éolienne tue 0,3 à 18 oiseaux par an. C’est bien moins qu’un chat errant, environ 60 oiseaux par an, encore selon la LPO . S’ajoute la mortalité due aux vitres des bâtiments et aux parebrises des autos, autrement plus importante. Et encore plus celle liée à la destruction du milieu par l’agriculture intensive. Les exploitants de parcs n’en sont pas moins très attentifs à ce problème et collaborent avec les collectivités et associations locales pour réduire leur impact sur l’avifaune, par exemple avec des dispositifs de surveillance et d’effarouchement. 

Qu’en est-il des centrales solaires ? Elles seraient plutôt des atouts pour la biodiversité. Leur sol n’est pas bétonné, les panneaux étant installés sur des pieux. Sur d’anciennes décharges, friches et gravières, la végétation y reprend ses droits. Certains projets, dits agrivoltaïques, favorisent l’agriculture (une vigne mise à l’abri du gel, des abris pour des animaux d’élevage…). La biodiversité de 77 km2 de sols préservés par des centrales au sol semble davantage préoccuper que 7 700 km2 de terres cultivées pour les agrocarburants à grand renfort d’engrais de synthèse et de pesticides.

Commentaire : Il suffit de voir cette vidéo de la centrale de Cestas pour se rendre compte que ça ne va pas favoriser la biodiversité.

Beaucoup plus impactante pour l’environnement, cette autre forme d’occupation de l’espace à des fins énergétiques n’a même pas pour elle l’avantage du rendement. En moyenne, indique David Marchal, « l’huile tirée d’un hectare de colza fournit 15,3 MWh d’énergie primaire par an [dont les deux tiers seront perdus dans un moteur à combustion, NDLR], contre 1 000 à 1 300 MWh pour un hectare équipé d’une centrale photovoltaïque. Même s’il faut tenir compte des sous-produits, notamment les tourteaux de colza destinés à l’alimentation animale ou les bio-intrants pour l’industrie chimique, l’écart est énorme ».  Mais pourquoi tant de haine ?

·         1. En France, la question du recyclage commence seulement à se poser, puisque ce n’est que maintenant que les premières éoliennes arrivent en fin de vie.

Commentaires de Jean-Paul Arnoul
Pour le Collectif Vigies de la côte des Avens

Pour plus d'informations sur les enjeux du projet éolien Bretagne Sud, consultez notre site "Sauvons notre littoral" et profitez-en pour signer la pétition nationale.

Index des articles déjà parus.

mercredi 17 novembre 2021

15 - Nucléaire, éolien et stockage : l'avis d'un ingénieur Belge

Lu dans la presse : 

"Le gouvernement fédéral doit décider dans le courant du mois de novembre de la fermeture partielle ou totale, à l'horizon 2025, des sept réacteurs nucléaires qui alimentent en partie la Belgique en électricité."


La Belgique dont on se souvient qu'elle a été sans gouvernement pendant plusieurs mois, est actuellement gouvernée par le premier ministre Alexander de Croo membre du parti libéral Open VLD, qui est à la tête d’une large coalition, comprenant des libéraux (Open VLD, flamands, MR, wallons), des écologistes (Groen, flamands, Ecolo, wallons), des socialistes (Vooruit, flamands, PS, wallons) et les sociaux-démocrates flamands du CD&V.

Cette coalition n'a pu être constituée qu'avec la participation des écologistes qui ont exigé la sortie du nucléaire en contre partie de leur participation au gouvernement. C'est à peu près ce qui s'est passé en Allemagne en 2011 quand Angela Merkel à décidé de sortie l'Allemagne du nucléaire sous la pression des Grünen avec les conséquences que l'on sait sur la pollution.

Actuellement, le débat fait rage en Belgique, et la ministre de l’environnement de la Flandre, Zuhal Demir, a refusé l’installation d’une centrale au gaz à Vilvorde, relançant ainsi le débat sur la sortie du nucléaire en Belgique. voir ici

Je vous propose la lecture ci-après d'un article rédigé par un ingénieur Belge sur le thème du remplacement du nucléaire par des éoliennes et du stockage, et qui recoupe largement mes conclusions.

Transition énergétique - Le remplacement d’un réacteur nucléaire de Tihange par des éoliennes terrestres avec un stockage par batteries pour gérer leurs intermittences est-il réaliste ?

1.       Introduction

Certains écolos (intervenant sur Facebook), s’appuyant sur des annonces publicitaires d’industriels, prétendent que les progrès techniques actuels permettraient d’effectuer notre transition énergétique de manière totalement « verte » en remplaçant nos centrales nucléaires par des éoliennes (et des panneaux solaires) secondées par des batteries pour pallier leurs intermittences.

Pour examiner la pertinence éventuelle de cette affirmation, on pourrait tenter de réaliser un dimensionnement précis de la batterie à prévoir pour répondre à la demande sans risque de délestage ou de blackout. Un tel calcul nécessiterait cependant de disposer de nombreuses données difficiles à trouver, voire inexistantes. Il faudrait par exemple pouvoir comparer les consommations de périodes précises aux productions qu’auraient les éoliennes en tenant compte des caractéristiques du vent durant ces mêmes périodes. Et ce, sur plusieurs années afin de déterminer les cas les plus contraignants.

Je ne dispose pas de ces données et un tel dimensionnement n’est pas indispensable pour mener la présente réflexion.

Pour répondre à la question, j’ai en effet abordé le problème sous un angle différent, en adoptant les hypothèses suivantes :

·         J’ai considéré le cas d’un seul réacteur nucléaire de Tihange (1 GW), répondant à la consommation de base (celle en dessous de laquelle on ne descend jamais) et donc fonctionnant en moyenne à régime constant, qui serait remplacé par des éoliennes terrestres secondées par des batteries pour pallier leurs intermittences ;

·         L’énergie à fournir par les éoliennes et leurs batteries de secours doit donc reprendre cette production moyenne constante, déterminée en tenant compte du facteur de charge annuel du réacteur nucléaire à remplacer ;

·         Pour le dimensionnement de la batterie, j’ai considéré qu’elle devrait couvrir à minima l’absence totale de production éolienne durant un jour (trop ou trop peu de vent durant 24h). Il s’agit en réalité d’un sous-dimensionnement manifeste, quel que soit le support complémentaire que l’on pourrait avoir du solaire. En effet, l’absence totale de vent peut persister plus de 5 jours consécutifs et le facteur de charge du solaire est nettement inférieur à celui de l’éolien (moins de la moitié en 2019 -Cfr données reprises au lien (1) ci-dessous-). Il est donc évident que, si les résultats correspondants obtenus s’avéraient irréalistes, cette solution le serait tout autant.

 

2.  Calcul du nombre d’éoliennes nécessaires pour assurer la même production de base que le réacteur nucléaire

    (Les éoliennes considérées ici sont d'une puissance unitaire de 4,2 MW, et implantées à terre. On constatera que les facteurs de charge réels de l'éolien utilisés dans ce tableau sont bien inférieurs aux 25% communément admis et notamment dans le rapport de RTE pour des éoliennes terrestres.)

Conclusions : le nombre d’éoliennes nécessaires varie de 1.403 à 1.929, selon les facteurs de charge (éolien) que l’on prend comme hypothèses de base. Les nombres d’éoliennes obtenus ne permettront pas toujours de pallier l’intermittence du vent et, notamment, son absence totale qui devra être couverte par la batterie.

·         1.403 éoliennes seront nécessaires sur base de l’hypothèse (2). Dans ce cas, il arrivera fréquemment d’être en sous-capacité de production durant ces 6 mois, ce qui nécessitera de recourir à une capacité de batterie plus importante que celle dimensionnée sur base de la seule hypothèse d’absence de vent durant 24h. En effet, étant régulièrement sollicitée, le risque de voir cette batterie partiellement chargée lorsqu’une journée sans vent se présente sera important ;a

·         1.523 éoliennes seront nécessaires sur base de l’hypothèse (3). Les conclusions sont les mêmes que dans le cas ci-avant avec cependant une batterie un peu moins sollicitée ;

·         1.929 éoliennes seront nécessaires sur base de l’hypothèse (4). Ce nombre, déterminé sur base du plus mauvais mois de la période 2015-2019, devrait permettre de réduire le dimensionnement de la batterie au strict minimum envisageable.

3.   Dimensionnement de la batterie nécessaire à pallier l’absence de production éolienne durant 24h.

En absence de production éolienne (vent trop faible ou trop fort), le relais doit être pris par la batterie. Pour simplifier les choses, considérons la production moyenne d’une journée moyenne à reprendre. Celle-ci correspond évidemment à la production d’une journée moyenne du nucléaire considéré au départ, soit : 19.272 MWh.

Les batteries Megapack de Tesla comptent parmi les batteries géantes actuelles les plus importantes. L’une d’elles est actuellement en construction dans l’Essex et aura une capacité de 198 MWh. Selon Numerama, il s’agit « du plus grand projet de ce type en construction au Royaume-Uni, en termes de capacité énergétique. » 

Il en faudrait 97 identiques pour reprendre la charge de 19.272 MWh de notre exemple, durant seulement une seule journée d’absence de production éolienne.

4.       Remarques et conclusions

Le remplacement d’un réacteur nucléaire de Tihange (1 GW) par 1.403 à 1.929 éoliennes (pour conserver la même production durant les périodes les moins venteuses de l’année) avec une batterie de 19,3 GWh pour pallier une absence de production éolienne de 24h, est clairement irréaliste ; tant du point de vue du coût des investissements à réaliser que de celui de l’ampleur de la pollution délocalisée supplémentaire qui en découlerait (ressources pour la construction des éoliennes et des batteries).

Poursuivre une telle approche est totalement insensé, en raison des éléments suivants qui conduiraient à devoir encore augmenter de manière importante les valeurs déjà démesurées reprises ci-avant :

·         La fermeture de nos 7 centrales nucléaires en 2025 se traduira par une perte de capacité de production à combler de pratiquement 6 fois la puissance du réacteur nucléaire considéré pour notre exemple (en 2019, la puissance nominale nucléaire disponible était de 5,94 GW) ;

·         Il n’est pas rare d’avoir 5 jours consécutifs (voire davantage) sans production éolienne (vent trop faible ou trop fort) ;

·         Durant les périodes de faible facteur de charge éolien, une batterie totalement déchargée pourrait ne pas se recharger suffisamment vite que pour être capable de pallier une nouvelle période d’absence de production éolienne. La prise en compte de ce risque réel nécessite une capacité de batterie nettement supérieure à celle nécessaire pour couvrir l’absence de production éolienne durant une période déterminée ;

·         Quoiqu’en disent certains, le renfort du photovoltaïque ne résoudra pas le problème. En effet, son facteur de charge annuel est encore plus mauvais que celui de l’éolien terrestre. En 2019, il était de 8,9% contre 18,1% pour celui de l’éolien terrestre (Cfr données reprises au lien (1) ci-avant). De plus, il arrive fréquemment que l’on cumule les absences de vent et de soleil (les nuits d’été ou les soirs -et nuits- d’hiver quand il fait très froid, par exemples) ;

·         Quant à l’hydrogène, outre le fait que cette technique n’est pas encore au point, il faut savoir que le rendement du cycle de transformation « électricité-hydrogène-électricité » est très mauvais. Je n’en connais pas la valeur, mais imaginons qu’il soit de 50% (et, à mon sens, cette valeur est optimiste), on aurait vraiment un rendement de « secours énergétique » exécrable d’avril à septembre (13,63 x 0,5 = 6,8%).

       (En fait, le rendement de la chaîne "électricité-hydrogène-électricité " est à ce jour au mieux de 25%.)

Comme déjà souligné par de nombreux spécialistes de l’énergie, la fermeture de nos centrales nucléaires ne pourra s’envisager sans le secours de centrales thermiques fossiles (gaz). Il en résultera immanquablement une augmentation de nos émissions de CO2 estimée à 43,3% par le Bureau du Plan

Prétendre que le secours de batteries résoudra le problème de l’intermittence relève de la pensée magique. Ceux qui défendent la poursuite de notre politique de transition énergétique actuelle doivent être conscients de la responsabilité qu’ils prennent en matière de réchauffement climatique et des conséquences qui en découlent pour la biodiversité et notre qualité de vie sur terre.

Ing. Francis Beck

En complément : https://www.dropbox.com/s/mluhqts23myzc4p/210605%20-%20Eolien%20inutile%20co%C3%BBteux%20et%20polluant.pdf?dl=0

Si vous souhaitez approfondir vos réflexions sur le stockage, je vous propose de visionner cette vidéo de 16 minutes de la chaîne YouTube "Ecologie rationnelle" qui a le mérite de classer les différentes techniques en fonction de la durée de stockage nécessaire.

EP 06: Stockage + Éolien & Solaire peuvent-ils remplacer le nucléaire

On y comprend notamment que le stockage sur batterie est indispensable pour stabiliser un réseau EnR, et pour cette fonction le besoin est d'une heure de stockage.  Rien à voir donc avec le problème de l'intermittence qui est jusqu'à présent résolu dans le meilleur des cas en brûlant du gaz (mais aussi du fuel ou du charbon ou lignite en Allemagne).

Jean-Paul Arnoul
Pour le Collectif Vigies de la côte des Avens

Index des articles déjà parus.


samedi 13 novembre 2021

14 - Les déchets nucléaires

Je vous propose dans cet article de traiter des déchets nucléaires dont à ce jour en France, chaque catégorie a sa solution sûre de stockage. Ce sujet est assez ardu, car il utilise des notions qui ne parlent pas au grand public, et sont assez difficiles à saisir. 

Malgré tout, les dernières annonces politiques sur le nucléaire vont encore soulever des questions sur la gestion de ces déchets qui font peur à beaucoup de monde, faute d'un minimum de connaissance sur le sujet.

Avant propos

Tout système de production d'énergie produit des déchets, ainsi les éoliennes et les panneaux solaires en fin de vie, qui ne sont pas toujours recyclables, sans parler des déchets produits lors de l'extraction des minéraux nécessaires à leur construction.

La combustion de gaz, fuel ou charbon produit des gaz toxiques, du CO2 et des particules fines. Ces déchets sont généralement envoyés dans l'atmosphère par une cheminée, sans aucune précaution. Le CO2 envoyé dans l'atmosphère y restera au moins 10 000 ans, et à l'échelle humaine, c'est quasi définitif et son action est irréversible sur le climat. Les particules fines, quant à elles provoquent chaque année environ 200 000 décès par an en Europe.

La production de déchets nucléaires représente un volume de 0,5 litre par habitant et par an, à comparer à environ 360 kg de déchets ménager par personne et par an. 

Les déchets nucléaires ne sont pas déposés dans la nature, et en France ils sont pris en compte par l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs (ANDRA), et traités dans différentes installations selon leurs catégories comme nous allons le voir. Ainsi, pour la catégorie la plus dangereuse, cela  représente 5 grammes par an et par habitant destinés à être enfouis au centre CIGEO de Bure à 500 mètres de profondeur dans de la roche argileuse.

Unités de mesure et sources de rayonnement

Les atomes dit radioactifs sont instables, et ont tendance à se désintégrer spontanément au bout d'un certain temps qui est caractéristique de chaque élément. Le temps au bout duquel la moitié des atomes d'un élément sont désintégrés est appelée la Période radioactive

Soit un déchet radioactif dont la période est de 31 ans. Après 31 ans, il ne reste que la moitié de la radioactivité, après 62 ans le quart, et après 300 ans, soit 10 fois la période, il ne reste que un millième de la radioactivité, et on est revenu dans ce cas à un niveau équivalent à la radioactivité naturelle. Ce déchet n'est donc plus dangereux.




Le becquerel (Bq), correspond à une désintégration par seconde. Par exemple un corps humain de 80 kg  dont les os contiennent du potassium 40 (K40) produit environ 5000 désintégrations par seconde, ainsi que du carbone 14 qui se désintègre environ 3000 fois par seconde, soit un total de 8000 becquerels. Nous sommes donc tous radioactifs. Il faut donc respecter les gestes barrières et la distanciation physique… 

Le bequerel est une unité très petite, et on utilisera plus souvent ses multiples, megaBq, gigaBq, qui sont des chiffres qui peuvent effrayer si on ne sait pas de quoi il s'agit. On caractérisera l'activité d'un matériau en Bq/M3.

Heureusement, cette radioactivité interne est très faible et à un impact négligeable sur le corps humain, et nous sommes tous exposés par ailleurs au quotidien à d'autre rayonnements bien plus importants.




Le gray (Gy) mesure la dose physiquement absorbée par un individu ou la matière. Ainsi, ce n’est pas parce que l’on est dans une pièce où il y a des particules radioactives que notre corps va être en contact avec toutes les particules, seule une petite partie peut nous atteindre. C’est ce que l’unité « gray » exprime.


Le sievert (Sv) permet d’évaluer le risque d’effets biologiques au niveau d’un organe (dose équivalente) ou de l’organisme entier en fonction de la radiosensibilité de chaque tissu (dose efficace).
L’unité la plus couramment usitée est le millisievert, ou millième de sievert (voir le dossier pédagogique du CEA sur la radioactivité).

 Doses acceptables et mortelles

  • nous recevons tous annuellement une dose entre 1 et 5, voire 10 millisieverts selon la région où l'on habite, les voyages en avion, ou les examens médicaux subis, ou encore le nombre de cigarettes fumées ;
  • en dessous d'une dose annuelle de 20 millisieverts, dose maximale autorisée pour les travailleurs du nucléaire, il n'y a aucun risque pour la santé ;
  • à partir de 100 millisieverts annuels, le risque de développer un cancer au cours de sa vie est grand ;
  • dès 500 millisieverts annuels, le risque de cancer dans l'année est fort ;
  • une seule dose de 5 sieverts suffit à tuer une personne sur deux dans les trente jours ;
  • la mort survient fatalement en quelques semaines après une irradiation à 10 sieverts.
  • Le corps humain est sujet quotidiennement à de la radioactivité naturelle, mais subit également des radiations artificielles plus fortes, liées majoritairement aux appareils médicaux.

Origine des déchets nucléaires

Les déchets nucléaires ne proviennent pas uniquement de nos centrales, mais aussi des installations de recherches, des activités de défense (propulsion, armes), de certaines industries utilisant des matériaux nucléaires, ainsi que des équipements et traitements médicaux.



Les déchets nucléaires accumulés depuis plusieurs dizaines d'années liés à la production de 70 % de notre électricité représentent 1 670 000 m3, soit le volume de 445 piscines olympiques. Ce chiffre qui peut paraître important doit être pondéré selon les différents catégories de déchets, leur danger pour l'homme et leur évolution dans le temps.

Classification des déchets nucléaires

Les déchets nucléaires sont classifiés selon deux critères, qui sont :

  • la période radioactive qui peut être :
    • très courte (100 jours), 
    • courte (30 ans) 
    • ou longue (qq millions d'années)
  • le danger lié à l'activité, qui peut être :
    • très faible, équivalent à la radioactivité naturelle (<100 Bq/g)
    • faible (<1 million de Bq par gramme)
    • moyenne (< 1 milliard de Bq par gramme
    • haute (au delà de 1 GBq)


Les déchets représentés dans la zone orange du diagramme représentent 97 % du volume total des déchets, mais 0,14% de la radioactivité totale. Toutes ces catégories de déchets sont traités par des procédés adaptés à leur activité et à leur période parfaitement maîtrisés.

Les déchets représentés dans la zone rouge du diagramme ne représentent que 3% du volume total des déchets, mais 99,86% de la radioactivité totale. Ce sont les seuls qui posent à ce jour un problème politique, faute de décision claire de mise en exploitation du site de CIGEO à Bure dans la Meuse qui est la meilleure solution qu'on puisse trouver en France. 

Je vous propose pour vous en convaincre de visionner cette vidéo publiés par la chaine YouTube "Osons comprendre - Osons causer"

LA SOLUTION DÉFINITIVE AUX DÉCHETS NUCLÉAIRES ? CIGÉO A BURE


Même si on devait arrêter les centrales nucléaires, on devrait de toute façon prendre en compte ces déchets de façon satisfaisante et sûre.

Si vous avez apprécié cette vidéo, je vous propose de visionner cette autre vidéo de la même chaîne YouTube pour approfondir le sujet de mon article.

Gérer les déchets nucléaires : mission impossible ?


Sources : ANDRA.fr







mardi 9 novembre 2021

12 - Scénarios RTE - Analyse du scénario N03

Scénario N03 : objectif de 50 GW de nucléaire en 2050

Le scénario N03 est structuré autour de l’idée d’une part du nucléaire durablement importante, en combinant l’ensemble des leviers possibles (sur l’existant et le nouveau) pour maximiser la capacité à l’horizon de la neutralité carbone. Ce scénario repose sur quatre piliers : 

(1) une prolongation de la durée de vie de tous les réacteurs actuels tant qu’ils respectent les normes de sûreté fixées par l’Autorité de sûreté nucléaire : N03 s’écarte donc de la trajectoire de fermeture de réacteurs prévue par la PPE ; 

(2) La prolongation de quelques réacteurs au-delà de 60 ans d’exploitation (entre 3 et 5 ans dans ce scénario selon les paliers et réacteurs retenus), de manière à repousser au maximum les fermetures de réacteurs de deuxième génération, en attendant que le développement du nouveau nucléaire atteigne son rythme de croisière ; 

(3) un rythme de construction des EPR2 poussé au maximum (rythme similaire à celui du scénario N2) ;

(4) la possibilité de développer d’autres types de réacteurs tels que les petits réacteurs modulaires (SMR) pour quelques gigawatts. En jouant sur ces quatre leviers, le maintien d’un parc nucléaire d’une capacité de l’ordre de 50 GW est possible à l’horizon 2050 et 2060, soit environ 50 % de la production d’électricité à cet horizon dans la trajectoire de consommation de référence. Ce chiffre constitue un résultat de la construction des scénarios (et non une hypothèse) : il résulte en effet de l’addition des contraintes industrielles portant sur la filière nucléaire, et non d’une contrainte politique. 

Le scénario N03 s’appuie également sur un développement des énergies renouvelables au cours des prochaines années, pour toutes les filières (éolien terrestre, éolien en mer, solaire, hydraulique), mais à un rythme inférieur à celui de tous les autres scénarios.



 Analysons point par point ce dernier scénario :

Nucléaire : 50% de la production électrique

Dans ce scénario, on conserve 24 GW de puissance nucléaire existant en fermant les 24 réacteurs de 900 MW et les 12 réacteurs de 1300 MW les plus anciens. La production d'énergie annoncée dans ce scénario de 149 TWh qui suppose un facteur de charge de ces centrales de plus de 70 %.

Pour atteindre un objectif total proche de 50 MW de puissance nucléaire, on doit construire 14 (7 paires) de réacteurs de type EPR pour une puissance totale de 23 GW, ainsi qu'environ 15 SMR répartis sur le territoire en appui des énergies renouvelables, soit un total de 5 GW. La production nucléaire de ces nouvelles centrales sera de 179 TWh, soit un facteur de charge de l'ordre de 74%.

La totalité de la production nucléaire qui représente 25% de la puissance déployée serait ainsi de 328 TWh annuels, soit 50% de la production totale d'électricité dans ce scénario.

Éolien terrestre : 13%

Le chiffre de 43 GW annoncé correspond à 21 500 éoliennes de 2 MW, soit 2 fois et demie le parc existant en 2020. La production énergie de 86 TWh, suppose un facteur de charge de 23%.

Éolien en mer : 12%

On prévoit dans ce scénario 22 GW d'éolien maritime, soit tout de même  4 fois les 660 éoliennes des 11 parcs marins de la PPE, soit plus de 44 parcs marins à terme. Les 77 TWh de production d'électricité annoncés correspondent à un facteur de charge très optimiste de 40% (au lieu de 35% actuellement constatés sur ce type d’éolienne).

Photovoltaïque : 13%

Pour obtenir les 70 GW prévus, il faudra déployer au total plus de 70 000 hectares de panneaux solaires, soit 7 fois la surface totale déployée en 2020.  La production annoncée de 25 TWh est obtenue avec un facteur de charge de 14% qui correspond à ce qu'on observe à ce jour.

Hydraulique : 14%

Il n'y aura pas de nouveau barrage construit en France, qui ne dispose plus d'aucun site exploitable. Les 2300 barrages actuels continueront de délivrer une puissance de 22 MW et de produire 63 GWh d'électricité avec un facteur de charge de 33%.

Thermique existant : 0,36%

Dans ce scénario, la totalité des centrales thermiques fossiles françaises est arrêtée, à l'exception de la centrale de Landivisiau en cours de construction à ce jour et conçue pour durer 30 ans.
 
"Le scénario N03 peut fonctionner avec une fermeture totale du parc thermique, sous réserve d’être déployé dans un système fortement interconnecté, où certains pays voisins recourront à cette technologie, et d’un développement même modéré de la flexibilité de la consommation."

 Moyens de flexibilité

Dans ce scénario N03, la somme des puissances des moyens de production d'électricité soumis aux aléas météorologiques est de 135 GW, à comparer au total des moyens pilotables (hydraulique, bioénergies et nucléaire) qui est de 76,4 GW. Il manque donc encore 62 GW de pilotable si on souhaite une sécurité d'approvisionnement de 100% en toutes circonstances, et qui sont répartis les moyens de flexibilité suivants :
 

Capacité d'importation : 5,2%

Le scénario N03 comme M0 prévoit la possibilité d’importer jusqu'à 39 GW de puissance électrique, qui risque de coûter cher et être très carbonée selon le pays voisin producteur. Cela dit, ce chiffre n'a pas vraiment de sens, car il faudrait compter non pas en GW, mais en TWh : par exemple la France a exporté 40 TWh d'électricité en 2020.

Flexibilité de la demande : 1,7%

La valeur proposée dans ce scénario est de 13 GW de capacité d'effacement, soit l'équivalent d'environ 10 réacteurs nucléaires, ce qui ne sera pas sans conséquence sur le fonctionnement des entreprises concernées.

Vehicle-to-grid : 0,2%

Dans ce scénario, le V2G (Vehicle-to-grid)  à été revu à la baisse avec 1,7 GW, soit environ 17 000 voitures connectées pour une capacité d'une heure.

STEP : 1%

L’objectif dans ce scénario comme dans les autres est de monter la capacité des Stations de Transfert d'énergie par Pompage à 8 GW, soit par 4 ou 5 stations supplémentaires à construire on ne sait où.

Nouveau thermique décarboné : 0%

Cette option a disparu dans ce scénario, car le nucléaire est bien plus efficace pour produire de l'électricité décarbonée, et la technologie a le mérite d'exister, malgré les difficultés rencontrées actuellement sur l'EPR. 

Batteries  : 0,13%

Dans ce scénario, on donne un chiffre de 1 GW, ce qui une fois encore ne renseigne pas sur la capacité d'électricité stockée. On est encore réduit à des conjectures sur la durée du stockage : combien d'heures, de jours sont-ils nécessaires ?

Si on considère un stockage sur batteries permettant de délivrer une puissance de 1 GW sur 24 heures, cela donne une capacité totale de 24 GWh de batteries, soit l'équivalent d'environ 24 000 voitures TESLA Model S dont la batterie à une capacité de 100 kWh. On arrive à une capacité qui parait plus raisonnable à réaliser avec des batteries et répartie sur différents sites.

Conclusion

Dans ce dernier scénario la puissance totale des énergies pilotables (nucléaire, hydraulique et bioénergies) est de 76,4 GW, à comparer aux 135 GW d’énergies renouvelables fatales. Les "moyens de flexibilité" sont chiffrés à hauteur de 62,7 GW. pour combler cet écart.

Si on fait le rapport entre la puissance pilotable à laquelle on ajoute la puissance des moyens de flexibilité, soit 139 GW et la puissance des moyens fatals de 135 GW, on obtient un taux de sécurité théorique de 100%.

Toutefois, cela repose sur une hypothèse de 39 GW d'importations et de 13 GW de capacité d'effacement, soit près de 6% de la puissance totale, ce qui nous éloigne des 100% de sécurité d'approvisionnement. Encore une fois, le fait que ces chiffres soient exprimés en GW et non pas en GWh, ne nous permettent pas de bien évaluer ce scénario. Il manque ce qu'on pourrait appeler le "facteur de charge" de ces moyens, c'est-à-dire le pourcentage prévisionnel de leur utilisation sur l'année.  

La principale critique que je ferai de ce scénario, c'est le chiffre de 633 TWh de production totale d'électricité qui me parait faible à une époque où l'on est censé avoir électrifié de nombreuses utilisations d'énergies fossiles. Le document RTE fixe une trajectoire énergétique qui pourrait atteindre les 750 TWh annuels, que l'on est loin d'atteindre ici. Encore une fois, les économies et la réduction des dépenses énergétiques doivent porter sur le thermique, et non pas sur l'électricité qui est justement le moyen de décarboner nos émissions.

Ce scénario démontre également que si on considère l'ensemble des coûts de chaque filière, et non pas simplement chaque technologie isolément, un système énergétique fondé pour l’essentiel sur le nucléaire fait baisser les coûts globaux, ce qui est contre-intuitif.

RTE montre également dans son rapport les limites industrielles de la filière nucléaire, indépendamment de tout aspect politique, et affirme qu'on ne sera pas capable de construire plus de 14 EPR sur la période considérée, ce qui justifie qu'on soit contraint de faire appel aux énergies renouvelables en quantités encore très importantes par rapport à l'existant et notamment à un nombre très important de parcs éoliens maritimes…

Voir l'article du Point :

"Nucléaire, éolien et solaire : quel sera le visage de la France en 2050 ?"

qui fait une bonne analyse de l'ensemble du rapport.


Jean-Paul Arnoul

Pour le Collectif Vigies de la côte des Avens

Index des articles déjà parus.

jeudi 4 novembre 2021

10 - Rapport RTE sur la trajectoire énergétique - Analyse du scénario M0

Je vous propose d'analyser sur le plan technique deux des scénarios proposés par RTE, soit les deux extrêmes, M0 avec 100% EnR, et N02 avec un maximum d'électricité nucléaire en 2050. Les autres scénarios s'échelonnent entre ces deux extrêmes qui sont suffisamment représentatifs des propositions techniques du rapport pour se faire une idée. Voyons dans cet article le scénario M0.

 Scénario M0 : 100 % EnR en 2050

"Le scénario M0 est construit autour d’un objectif de sortie complète du nucléaire en 2050. Pour que celle-ci obéisse à une trajectoire réaliste, permettant d’éviter « l’effet falaise » sur les fermetures, le scénario prévoit une accélération de la fermeture des réacteurs par rapport à la trajectoire actuellement retenue par la PPE. Ainsi, dans M0, 4 des 56 réacteurs nucléaires existants sont fermés d’ici 2030 et 22 d’ici 2040. "

Détaillons un peu chaque ligne du tableau "Filière" ci dessous pour comprendre les chiffres annoncés. Il faut rappeler une fois de plus qu'il s'agit ici uniquement des moyens de production d'électricité, qui représente en France 20% de la production d'énergie (environ 500 TWh en 2020 décarbonés à 93%), et qui pourrait monter en 2050 à 25%, avec un objectif de 716 TWh d'électricité sur le scénario M0 étudié ici.

Nucléaire : 0% de la production électrique

Dans ce scénario, nous n'avons donc plus aucune centrale nucléaire en fonctionnement en 2050. Il faudra tout de même gérer le démantèlement des centrales, gérer les déchets produits ces 50 dernières années et stocker les plus dangereux (3% du total), ce qu'on verra dans un prochain article sur les déchets nucléaires.

Éolien terrestre : 23%

Le chiffre de 74 GW annoncé correspond à 37 000 éoliennes de 2 MW, soit quatre fois le parc existant en 2020. La production énergie de 149 TWh, suppose un facteur de charge de 23%.

Éolien en mer : 31%

On prévoit dans ce scénario 62 GW d'éolien maritime, soit plus de 10 fois les 660 éoliennes des 11 parcs marins de la PPE, soit plus de 100 parcs marins à terme. Les 228 TWh de production d'électricité annoncés correspondent à un facteur de charge très optimiste de 42% (au lieu de 35% actuellement constatés sur ce type d’éolienne).

Photovoltaïque : 36%

Pour obtenir les 208 GW prévus, il faudra déployer au total plus de 180 000 hectares de panneaux solaires, soit 20 fois la surface totale déployée en 2020.  La production annoncée de 255 TWh est obtenue avec un facteur de charge de 14% qui correspond à ce qu'on observe à ce jour.

 Énergies marines : 1,3%

Cette production très marginale est celle de 2 hydroliennes qui seront installées dans le Morbihan, pour une puissance de 3 GW, et 9 TWh d'électricité qui sera produite sur l'année avec un facteur de charge attendu de 35%.

Hydraulique : 9%

Il n'y aura pas de nouveau barrage construit en France, qui ne dispose plus d'aucun site exploitable. Les 2300 barrages actuels continueront de délivrer une puissance de 22 MW et de produire 63 GWh d'électricité avec un facteur de charge de 33%.

Bioénergies : 0,07%

La filière bioénergies regroupe des centrales thermiques fonctionnant avec des combustibles renouvelables ou de récupération. Elle inclut les installations produisant de l’électricité à partir de biomasse solide (bois, paille…), de biogaz ou encore de déchets. Cette filière représente aujourd’hui environ 2 GW de capacité installée et près de 10 TWh de production annuelle (2 % de la production d’électricité totale).
 
Cette filière devrait rester marginale dans la production électrique, la biomasse étant orientée prioritairement vers d’autres usages énergétiques non électriques.

Thermique existant : 0,1%

Dans ce scénario, la totalité des centrales thermiques fossiles françaises sont arrêtées, à l'exception de la centrale de Landivisiau en cours de construction à ce jour et conçue pour durer 30 ans.
 
On voit de ce fait qu'il n'est absolument pas prévu dans ce scénario de combler les intermittences des énergies renouvelables fatales par du gaz ou tout autre combustible fossile, mais d'utiliser différents moyens dits "de flexibilité."

 Moyens de flexibilité

Rappelons qu'à chaque instant, la production électricité sur le réseau doit être rigoureusement égale à la demande. S'il y a un excédent à un moment donné, il faut réduire aussitôt la production, ou au contraire être en mesure de démarrer rapidement des moyens de production pilotables pour répondre à la demande en éviter une coupure.
 
Or, si on fait dans ce scénario M0 la somme des puissances des moyens de production d'électricité soumis aux aléas météorologiques, on obtient un total de 347 GW, à comparer au total des moyens pilotables (hydraulique, bioénergies et thermique) qui est de 24,6 GW, on voit qu'il manque 322 GW de pilotable si on souhaite une sécurité d'approvisionnement de 100%.
 
Certes, tous les moyens dits "fatals" ne vont pas forcément faire défaut au même moment, sauf que chaque nuit, on peut prévoir qu'il n'y aura pas de production solaire, et que si un anticyclone sur Europe dure quelques jours, les moyens éoliens vont faire défaut, de même les jours de tempête où les éoliennes sont mises en sécurité.

Capacité d'importation

Le moyen le plus évident quand on manque d’électricité est d'en importer des pays voisins. Au niveau européen, il y a des accords entre pays voisins pour de tels échanges. La France est à ce jour plutôt exportatrice d'électricité, mais il nous arrive d'importer de l'électricité de l'Allemagne, où malgré des investissements colossaux dans les EnR depuis la décision prise en 2011 d'arrêter le nucléaire, l'électricité est très carbonée, charbon et gaz, l’Allemagne n'ayant décidé de sortir du charbon (lignite) qu'en 2039...

Le scénario M0 prévoit la possibilité d’importer jusqu'à 39 GW de puissance électrique, qui risque de coûter cher et être très carbonée. Cela dit, ce chiffre n'a pas vraiment de sens, car il faudrait compter non pas en GW, mais en TWh : par exemple la France a exporté 40 TWh d'électricité en 2020.

Flexibilité de la demande.

La flexibilité de la demande consiste à couper le courant à de gros consommateurs d'électricité quand on à un manque de production. C'est ce qu'on appelle aussi la capacité d'effacement. Les industriels concernés ont signé avec leur fournisseur d'électricité un contrat qui l'autorise à couper le courant quand c'est nécessaire. Cela ne sera pas sans conséquence sur la production et sur les salariés concernés qui seront au chômage technique. Ce type de contrat existe déjà, même pour des particuliers (EJP ou Effacement Jours de Pointe).

La valeur proposée dans ce scénario est de 15 GW, soit l'équivalent d'environ 15 réacteurs nucléaires, c'est dire que la sécurité d'approvisionnement électrique dans ce scénario sera faible.

Vehicle-to-grid

 Le V2G (Vehicle-to-grid) désigne un système où des véhicules électriques en stationnement et branchés sur leur chargeur peuvent aussi redistribuer leur énergie électrique dans le réseau en cas de besoin, alimentant ainsi le domicile du propriétaire et lui faisant gagner de l’argent. Encore une fois le chiffre de 3 est exprimé en GW, alors qu'on attendrait des TWh de capacité de stockage.

Evidemment, cela ne fonctionne que lorsque vous n'utilisez pas votre voiture électrique, et que vous la mettiez à charger de préférence le jour quand il y a du soleil pour avoir de l'électricité la nuit. Pourquoi, pas, le principe me parait une bonne idée.

STEP

Les Stations de Transfert d'énergie par Pompage sont des installations qui équipent certains barrages afin d'utiliser l'électricité excédentaire. Le principe des STEP est à ce jour le meilleur moyen de stocker en masse avec un bon rendement (70%) de grosses quantités d'électricité.

 À ce jour, nous avons en France 6 unités de pompage, pour une puissance installée de 4,8 GW, qui ont produit en 2020 4,3 TWh d’énergie, soit moins de 1% de la production hydraulique en France et un facteur de charge de l'ordre de 10%.

S’il n’y a pratiquement plus aucun site permettant la construction de nouveaux barrages en France, il est toutefois encore possible d’installer des stations de pompage sur quelques barrages existants. L’objectif dans ce scénario est de monter cette capacité à 8 GW, par 4 ou 5 stations supplémentaires à construire on ne sait où.

Nouveau thermique décarboné (rectificatif du 8/11/2021)

J'ai trouvé dans le chapitre 4.5.3 quelques informations à ce sujet. Comment pourrait-on produire de l'électricité à partir d'un  combustible, quel qu’il soit sans émettre de CO2 ?  Quelques possibilité sont évoquées  :

  • La première est la combustion de l'hydrogène qui ne produit effectivement que de l'eau. Mais l'hydrogène n'est pas un combustible que l'on peut extraire de la nature comme le gaz naturel. Il faut le produire, et cela demande beaucoup d'énergie, de préférence électrique et décarbonée pour faire l'électrolyse de l'eau. Ce serait donc un non-sens absolu de brûler de l’hydrogène chèrement produit dans une centrale thermique pour produire de l'électricité. En fait, cela n'a de sens que pour de besoins de mobilité comme un véhicule équipé une pile à combustible ou d'un avion à hydrogène, mais ce n'est pas ce qui est visé dans ce scénario.

  • La seconde serait la combustion de gaz fossile dans une centrale qui serait équipée d'un système de captation et de stockage du CO2 émis (et autres déchets). Des recherches existent dans ce sens, mais là on parle d'une puissance de 29 GW, soit l'équivalent de la moitié de la puissance des 56 réacteurs nucléaires français actuels. De mon point de vue, on est là en pleine science-fiction.
  • Il est évoqué aussi la possibilité de brûler du biogaz ou du méthane de synthèse, mais rien de convaincant, et ces combustibles seraient mieux utilisés pour produire directement de la chaleur, et non de l'électricité.
Il n'est reste pas moins que le rapport RTE fait mention à plusieurs reprises de cette technologie improbable, comme étant indispensable dans le mix électrique décarboné de ces différents scénarios.

Batteries 

J'ai déjà parlé des batteries dans mon article sur le stockage.  Dans ce scénario, on donne un chiffre de 26 GW, ce qui une fois encore ne renseigne pas sur la capacité d'électricité stockée. On est encore réduit à des conjectures sur la durée du stockage : combien d'heures, de jours sont-ils nécessaires ?

Supposons que l'on décide de disposer d'un stockage sur batteries permettant de délivrer une puissance de 26 GW sur 24 heures. 

Dans mon article sur le stockage, j'ai fait le calcul de ce qui serait nécessaire pour remplacer 660 éoliennes (5280 MW) un seul jour sans vent, soit 24 heures. On arrive à un total de 126,7 GWh à stocker qui nécessiteraient pas moins de 726 000 tonnes de batteries, installées dans un hangar de 7 hectares (10 terrains de foot), pour un coût de 13 200 M€, soit plus cher qu’un EPR prototype à 12 milliards d’euros d'une puissance de 1650 MW.

Pour les 26 GW proposés dans ce scénario, il faut multiplier par 5 tous ces chiffres, soit une capacité totale de 633 GWh de batteries, soit l'équivalent de 633 millions de voitures TESLA Model S dont la batterie à une capacité de 100 kWh.

Conclusion

La puissance totale des énergies pilotables (hydraulique et bioénergies) dans ce scénario est de 26,6 GW, à comparer aux 347 GW d’énergies renouvelables fatales. Les "moyens de flexibilité" à hauteur de 120 GW sont mis en place pour dans la mesure du possible faire face aux caprices du vent et de la météo, afin d'améliorer la sécurité de l'approvisionnement électrique. 

Si on fait le rapport entre la puissance pilotable à laquelle on ajoute la puissance des moyens de flexibilité, soit 144 GW et la puissance des moyens fatals de 347 GW, on obtient un taux de sécurité de 42%, par rapport à une valeur idéale de 100% que l'on connait aujourd'hui.

Ce scénario repose sur des hypothèses techniques assez peu vraisemblables, et avec une sécurité du réseau très faible du fait de l'absence de machines tournantes des alternateurs des centrales actuelles (nucléaires ou thermiques) dont l'inertie assure la stabilité du 50 hertz qui est fondamentale pour assurer la continuité de service.

Une gestion informatique très complexe sera également nécessaire pour assurer cette stabilité et prendre à chaque instant les décisions de mise en œuvre automatique et immédiate des moyens de flexibilité disponibles pour faire face à chaque situation.

Ceci est d'autant plus inquiétant que pour vraiment décarboner notre énergie (et pas seulement l'électricité) l'électrification devra être développée de façon considérable dans tous les domaines, et ce n'est certainement pas sur la production d'électricité que pourra porter la sobriété énergétique indispensable à la décarbonation de nos usages.


Jean-Paul Arnoul

Pour le Collectif Vigies de la côte des Avens

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