mercredi 17 novembre 2021

15 - Nucléaire, éolien et stockage : l'avis d'un ingénieur Belge

Lu dans la presse : 

"Le gouvernement fédéral doit décider dans le courant du mois de novembre de la fermeture partielle ou totale, à l'horizon 2025, des sept réacteurs nucléaires qui alimentent en partie la Belgique en électricité."


La Belgique dont on se souvient qu'elle a été sans gouvernement pendant plusieurs mois, est actuellement gouvernée par le premier ministre Alexander de Croo membre du parti libéral Open VLD, qui est à la tête d’une large coalition, comprenant des libéraux (Open VLD, flamands, MR, wallons), des écologistes (Groen, flamands, Ecolo, wallons), des socialistes (Vooruit, flamands, PS, wallons) et les sociaux-démocrates flamands du CD&V.

Cette coalition n'a pu être constituée qu'avec la participation des écologistes qui ont exigé la sortie du nucléaire en contre partie de leur participation au gouvernement. C'est à peu près ce qui s'est passé en Allemagne en 2011 quand Angela Merkel à décidé de sortie l'Allemagne du nucléaire sous la pression des Grünen avec les conséquences que l'on sait sur la pollution.

Actuellement, le débat fait rage en Belgique, et la ministre de l’environnement de la Flandre, Zuhal Demir, a refusé l’installation d’une centrale au gaz à Vilvorde, relançant ainsi le débat sur la sortie du nucléaire en Belgique. voir ici

Je vous propose la lecture ci-après d'un article rédigé par un ingénieur Belge sur le thème du remplacement du nucléaire par des éoliennes et du stockage, et qui recoupe largement mes conclusions.

Transition énergétique - Le remplacement d’un réacteur nucléaire de Tihange par des éoliennes terrestres avec un stockage par batteries pour gérer leurs intermittences est-il réaliste ?

1.       Introduction

Certains écolos (intervenant sur Facebook), s’appuyant sur des annonces publicitaires d’industriels, prétendent que les progrès techniques actuels permettraient d’effectuer notre transition énergétique de manière totalement « verte » en remplaçant nos centrales nucléaires par des éoliennes (et des panneaux solaires) secondées par des batteries pour pallier leurs intermittences.

Pour examiner la pertinence éventuelle de cette affirmation, on pourrait tenter de réaliser un dimensionnement précis de la batterie à prévoir pour répondre à la demande sans risque de délestage ou de blackout. Un tel calcul nécessiterait cependant de disposer de nombreuses données difficiles à trouver, voire inexistantes. Il faudrait par exemple pouvoir comparer les consommations de périodes précises aux productions qu’auraient les éoliennes en tenant compte des caractéristiques du vent durant ces mêmes périodes. Et ce, sur plusieurs années afin de déterminer les cas les plus contraignants.

Je ne dispose pas de ces données et un tel dimensionnement n’est pas indispensable pour mener la présente réflexion.

Pour répondre à la question, j’ai en effet abordé le problème sous un angle différent, en adoptant les hypothèses suivantes :

·         J’ai considéré le cas d’un seul réacteur nucléaire de Tihange (1 GW), répondant à la consommation de base (celle en dessous de laquelle on ne descend jamais) et donc fonctionnant en moyenne à régime constant, qui serait remplacé par des éoliennes terrestres secondées par des batteries pour pallier leurs intermittences ;

·         L’énergie à fournir par les éoliennes et leurs batteries de secours doit donc reprendre cette production moyenne constante, déterminée en tenant compte du facteur de charge annuel du réacteur nucléaire à remplacer ;

·         Pour le dimensionnement de la batterie, j’ai considéré qu’elle devrait couvrir à minima l’absence totale de production éolienne durant un jour (trop ou trop peu de vent durant 24h). Il s’agit en réalité d’un sous-dimensionnement manifeste, quel que soit le support complémentaire que l’on pourrait avoir du solaire. En effet, l’absence totale de vent peut persister plus de 5 jours consécutifs et le facteur de charge du solaire est nettement inférieur à celui de l’éolien (moins de la moitié en 2019 -Cfr données reprises au lien (1) ci-dessous-). Il est donc évident que, si les résultats correspondants obtenus s’avéraient irréalistes, cette solution le serait tout autant.

 

2.  Calcul du nombre d’éoliennes nécessaires pour assurer la même production de base que le réacteur nucléaire

    (Les éoliennes considérées ici sont d'une puissance unitaire de 4,2 MW, et implantées à terre. On constatera que les facteurs de charge réels de l'éolien utilisés dans ce tableau sont bien inférieurs aux 25% communément admis et notamment dans le rapport de RTE pour des éoliennes terrestres.)

Conclusions : le nombre d’éoliennes nécessaires varie de 1.403 à 1.929, selon les facteurs de charge (éolien) que l’on prend comme hypothèses de base. Les nombres d’éoliennes obtenus ne permettront pas toujours de pallier l’intermittence du vent et, notamment, son absence totale qui devra être couverte par la batterie.

·         1.403 éoliennes seront nécessaires sur base de l’hypothèse (2). Dans ce cas, il arrivera fréquemment d’être en sous-capacité de production durant ces 6 mois, ce qui nécessitera de recourir à une capacité de batterie plus importante que celle dimensionnée sur base de la seule hypothèse d’absence de vent durant 24h. En effet, étant régulièrement sollicitée, le risque de voir cette batterie partiellement chargée lorsqu’une journée sans vent se présente sera important ;a

·         1.523 éoliennes seront nécessaires sur base de l’hypothèse (3). Les conclusions sont les mêmes que dans le cas ci-avant avec cependant une batterie un peu moins sollicitée ;

·         1.929 éoliennes seront nécessaires sur base de l’hypothèse (4). Ce nombre, déterminé sur base du plus mauvais mois de la période 2015-2019, devrait permettre de réduire le dimensionnement de la batterie au strict minimum envisageable.

3.   Dimensionnement de la batterie nécessaire à pallier l’absence de production éolienne durant 24h.

En absence de production éolienne (vent trop faible ou trop fort), le relais doit être pris par la batterie. Pour simplifier les choses, considérons la production moyenne d’une journée moyenne à reprendre. Celle-ci correspond évidemment à la production d’une journée moyenne du nucléaire considéré au départ, soit : 19.272 MWh.

Les batteries Megapack de Tesla comptent parmi les batteries géantes actuelles les plus importantes. L’une d’elles est actuellement en construction dans l’Essex et aura une capacité de 198 MWh. Selon Numerama, il s’agit « du plus grand projet de ce type en construction au Royaume-Uni, en termes de capacité énergétique. » 

Il en faudrait 97 identiques pour reprendre la charge de 19.272 MWh de notre exemple, durant seulement une seule journée d’absence de production éolienne.

4.       Remarques et conclusions

Le remplacement d’un réacteur nucléaire de Tihange (1 GW) par 1.403 à 1.929 éoliennes (pour conserver la même production durant les périodes les moins venteuses de l’année) avec une batterie de 19,3 GWh pour pallier une absence de production éolienne de 24h, est clairement irréaliste ; tant du point de vue du coût des investissements à réaliser que de celui de l’ampleur de la pollution délocalisée supplémentaire qui en découlerait (ressources pour la construction des éoliennes et des batteries).

Poursuivre une telle approche est totalement insensé, en raison des éléments suivants qui conduiraient à devoir encore augmenter de manière importante les valeurs déjà démesurées reprises ci-avant :

·         La fermeture de nos 7 centrales nucléaires en 2025 se traduira par une perte de capacité de production à combler de pratiquement 6 fois la puissance du réacteur nucléaire considéré pour notre exemple (en 2019, la puissance nominale nucléaire disponible était de 5,94 GW) ;

·         Il n’est pas rare d’avoir 5 jours consécutifs (voire davantage) sans production éolienne (vent trop faible ou trop fort) ;

·         Durant les périodes de faible facteur de charge éolien, une batterie totalement déchargée pourrait ne pas se recharger suffisamment vite que pour être capable de pallier une nouvelle période d’absence de production éolienne. La prise en compte de ce risque réel nécessite une capacité de batterie nettement supérieure à celle nécessaire pour couvrir l’absence de production éolienne durant une période déterminée ;

·         Quoiqu’en disent certains, le renfort du photovoltaïque ne résoudra pas le problème. En effet, son facteur de charge annuel est encore plus mauvais que celui de l’éolien terrestre. En 2019, il était de 8,9% contre 18,1% pour celui de l’éolien terrestre (Cfr données reprises au lien (1) ci-avant). De plus, il arrive fréquemment que l’on cumule les absences de vent et de soleil (les nuits d’été ou les soirs -et nuits- d’hiver quand il fait très froid, par exemples) ;

·         Quant à l’hydrogène, outre le fait que cette technique n’est pas encore au point, il faut savoir que le rendement du cycle de transformation « électricité-hydrogène-électricité » est très mauvais. Je n’en connais pas la valeur, mais imaginons qu’il soit de 50% (et, à mon sens, cette valeur est optimiste), on aurait vraiment un rendement de « secours énergétique » exécrable d’avril à septembre (13,63 x 0,5 = 6,8%).

       (En fait, le rendement de la chaîne "électricité-hydrogène-électricité " est à ce jour au mieux de 25%.)

Comme déjà souligné par de nombreux spécialistes de l’énergie, la fermeture de nos centrales nucléaires ne pourra s’envisager sans le secours de centrales thermiques fossiles (gaz). Il en résultera immanquablement une augmentation de nos émissions de CO2 estimée à 43,3% par le Bureau du Plan

Prétendre que le secours de batteries résoudra le problème de l’intermittence relève de la pensée magique. Ceux qui défendent la poursuite de notre politique de transition énergétique actuelle doivent être conscients de la responsabilité qu’ils prennent en matière de réchauffement climatique et des conséquences qui en découlent pour la biodiversité et notre qualité de vie sur terre.

Ing. Francis Beck

En complément : https://www.dropbox.com/s/mluhqts23myzc4p/210605%20-%20Eolien%20inutile%20co%C3%BBteux%20et%20polluant.pdf?dl=0

Si vous souhaitez approfondir vos réflexions sur le stockage, je vous propose de visionner cette vidéo de 16 minutes de la chaîne YouTube "Ecologie rationnelle" qui a le mérite de classer les différentes techniques en fonction de la durée de stockage nécessaire.

EP 06: Stockage + Éolien & Solaire peuvent-ils remplacer le nucléaire

On y comprend notamment que le stockage sur batterie est indispensable pour stabiliser un réseau EnR, et pour cette fonction le besoin est d'une heure de stockage.  Rien à voir donc avec le problème de l'intermittence qui est jusqu'à présent résolu dans le meilleur des cas en brûlant du gaz (mais aussi du fuel ou du charbon ou lignite en Allemagne).

Jean-Paul Arnoul
Pour le Collectif Vigies de la côte des Avens

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