Scénario N03 : objectif de 50 GW de nucléaire en 2050
Le scénario N03 est structuré autour de l’idée d’une part du nucléaire durablement importante, en combinant l’ensemble des leviers possibles (sur l’existant et le nouveau) pour maximiser la capacité à l’horizon de la neutralité carbone. Ce scénario repose sur quatre piliers :
(1) une prolongation de la durée de vie de tous les réacteurs actuels tant qu’ils respectent les normes de sûreté fixées par l’Autorité de sûreté nucléaire : N03 s’écarte donc de la trajectoire de fermeture de réacteurs prévue par la PPE ;
(2) La prolongation de quelques réacteurs au-delà de 60 ans d’exploitation (entre 3 et 5 ans dans ce scénario selon les paliers et réacteurs retenus), de manière à repousser au maximum les fermetures de réacteurs de deuxième génération, en attendant que le développement du nouveau nucléaire atteigne son rythme de croisière ;
(3) un rythme de construction des EPR2 poussé au maximum (rythme similaire à celui du scénario N2) ;
(4) la possibilité de développer d’autres types de réacteurs tels que les petits réacteurs modulaires (SMR) pour quelques gigawatts. En jouant sur ces quatre leviers, le maintien d’un parc nucléaire d’une capacité de l’ordre de 50 GW est possible à l’horizon 2050 et 2060, soit environ 50 % de la production d’électricité à cet horizon dans la trajectoire de consommation de référence. Ce chiffre constitue un résultat de la construction des scénarios (et non une hypothèse) : il résulte en effet de l’addition des contraintes industrielles portant sur la filière nucléaire, et non d’une contrainte politique.
Le scénario N03 s’appuie également sur un développement des
énergies renouvelables au cours des prochaines années, pour toutes les filières
(éolien terrestre, éolien en mer, solaire, hydraulique), mais à un rythme
inférieur à celui de tous les autres scénarios.
Analysons point par point ce dernier scénario :
Nucléaire : 50% de la production électrique
Dans ce scénario, on conserve 24 GW de puissance nucléaire existant en fermant les 24 réacteurs de 900 MW et les 12 réacteurs de 1300 MW les plus anciens. La production d'énergie annoncée dans ce scénario de 149 TWh qui suppose un facteur de charge de ces centrales de plus de 70 %.
Pour atteindre un objectif total proche de 50 MW de puissance nucléaire, on doit construire 14 (7 paires) de réacteurs de type EPR pour une puissance totale de 23 GW, ainsi qu'environ 15 SMR répartis sur le territoire en appui des énergies renouvelables, soit un total de 5 GW. La production nucléaire de ces nouvelles centrales sera de 179 TWh, soit un facteur de charge de l'ordre de 74%.
La totalité de la production nucléaire qui représente 25% de la puissance déployée serait ainsi de 328 TWh annuels, soit 50% de la production totale d'électricité dans ce scénario.
Éolien terrestre : 13%
Le chiffre de 43 GW annoncé correspond à 21 500 éoliennes de 2 MW, soit 2 fois et demie le parc existant en 2020. La production énergie de 86 TWh, suppose un facteur de charge de 23%.
Éolien en mer : 12%
On prévoit dans ce scénario 22 GW d'éolien maritime, soit tout de même 4 fois les 660 éoliennes des 11 parcs marins de la PPE, soit plus de 44 parcs marins à terme. Les 77 TWh de production d'électricité annoncés correspondent à un facteur de charge très optimiste de 40% (au lieu de 35% actuellement constatés sur ce type d’éolienne).
Photovoltaïque : 13%
Hydraulique : 14%
Il n'y aura pas de nouveau barrage construit en France, qui ne dispose plus d'aucun site exploitable. Les 2300 barrages actuels continueront de délivrer une puissance de 22 MW et de produire 63 GWh d'électricité avec un facteur de charge de 33%.
Thermique existant : 0,36%
Moyens de flexibilité
Capacité d'importation : 5,2%
Flexibilité de la demande : 1,7%
La valeur proposée dans ce scénario est de 13 GW de capacité d'effacement, soit l'équivalent d'environ 10 réacteurs nucléaires, ce qui ne sera pas sans conséquence sur le fonctionnement des entreprises concernées.
Vehicle-to-grid : 0,2%
Dans ce scénario, le V2G (Vehicle-to-grid) à été revu à la baisse avec 1,7 GW, soit environ 17 000 voitures connectées pour une capacité d'une heure.
STEP : 1%
Nouveau thermique décarboné : 0%
Cette option a disparu dans ce scénario, car le nucléaire est bien plus efficace pour produire de l'électricité décarbonée, et la technologie a le mérite d'exister, malgré les difficultés rencontrées actuellement sur l'EPR.
Batteries : 0,13%
Dans ce scénario, on donne un chiffre de 1 GW, ce qui une fois encore ne renseigne pas sur la capacité d'électricité stockée. On est encore réduit à des conjectures sur la durée du stockage : combien d'heures, de jours sont-ils nécessaires ?
Si on considère un stockage sur batteries permettant de délivrer une puissance de 1 GW sur 24 heures, cela donne une capacité totale de 24 GWh de batteries, soit l'équivalent d'environ 24 000 voitures TESLA Model S dont la batterie à une capacité de 100 kWh. On arrive à une capacité qui parait plus raisonnable à réaliser avec des batteries et répartie sur différents sites.
Conclusion
Dans ce dernier scénario la puissance totale des énergies pilotables (nucléaire, hydraulique et bioénergies) est de 76,4 GW, à comparer aux 135 GW d’énergies renouvelables fatales. Les "moyens de flexibilité" sont chiffrés à hauteur de 62,7 GW. pour combler cet écart.
Si on fait le rapport entre la puissance pilotable à laquelle on ajoute la puissance des moyens de flexibilité, soit 139 GW et la puissance des moyens fatals de 135 GW, on obtient un taux de sécurité théorique de 100%.
Toutefois, cela repose sur une hypothèse de 39 GW d'importations et de 13 GW de capacité d'effacement, soit près de 6% de la puissance totale, ce qui nous éloigne des 100% de sécurité d'approvisionnement. Encore une fois, le fait que ces chiffres soient exprimés en GW et non pas en GWh, ne nous permettent pas de bien évaluer ce scénario. Il manque ce qu'on pourrait appeler le "facteur de charge" de ces moyens, c'est-à-dire le pourcentage prévisionnel de leur utilisation sur l'année.
La principale critique que je ferai de ce scénario, c'est le chiffre de 633 TWh de production totale d'électricité qui me parait faible à une époque où l'on est censé avoir électrifié de nombreuses utilisations d'énergies fossiles. Le document RTE fixe une trajectoire énergétique qui pourrait atteindre les 750 TWh annuels, que l'on est loin d'atteindre ici. Encore une fois, les économies et la réduction des dépenses énergétiques doivent porter sur le thermique, et non pas sur l'électricité qui est justement le moyen de décarboner nos émissions.
Ce scénario démontre également que si on considère l'ensemble des coûts de chaque filière, et non pas simplement chaque technologie isolément, un système énergétique fondé pour l’essentiel sur le nucléaire fait baisser les coûts globaux, ce qui est contre-intuitif.
RTE montre également dans son rapport les limites industrielles de la filière nucléaire, indépendamment de tout aspect politique, et affirme qu'on ne sera pas capable de construire plus de 14 EPR sur la période considérée, ce qui justifie qu'on soit contraint de faire appel aux énergies renouvelables en quantités encore très importantes par rapport à l'existant et notamment à un nombre très important de parcs éoliens maritimes…
Voir l'article du Point :
"Nucléaire, éolien et solaire : quel sera le visage de la France en 2050 ?"
qui fait une bonne analyse de l'ensemble du rapport.
Jean-Paul Arnoul
Pour le Collectif Vigies de la côte des Avens
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