vendredi 29 octobre 2021

09 - Le rapport de RTE et ses 6 scénarios énergétiques pour 2050

J'ai attaqué la lecture du rapport de RTE intitulé :

"Futurs énergétiques 2050" - Consommation et production : les chemins de l’électricité de RTE pour la neutralité carbone.
 
Ce rapport de plus de 500 pages qui vient d'être diffusé est accessible ici :

https://www.rte-france.com/actualites/futurs-energetiques-neutralite-carbone-2050-principaux-enseignements

J'ai attaqué la partie générale destinée aux "exécutifs" qui est un résumé, ainsi que le chapitre 4 relatif à la production d'électricité, où j'estime avoir quelque légitimité à donner mon avis..

Tout d'abord, on se demande pourquoi c'est RTE qui le distributeur d'énergie qui sort ce rapport, et non pas EDF le producteur majoritaire actuel. Il me semble qu'il aurait été de toute façon plus judicieux de confier ce travail à un panel de scientifiques indépendants et plus objectifs qui aurait pu évaluer et comparer les techniques de production d'électricité actuelles et futures, leur faisabilité, et leur intérêt en termes de réduction des émissions de CO2, puis évaluer différents scénarios basé sur différentes hypothèses d'évolution de notre économie et de nos choix de société, au lieu de proposer une fois de plus des objectifs en termes de solutions : nombre d'éoliennes, panneaux solaires, centrales nucléaires. On remarquera que la colonne émission de CO2 est absente du tableau récapitulatifs des 6 scénarios proposés ci-dessous. 



De mon point de vue, même le scénario N03 qui est le plus favorable au nucléaire en 2050 n'est pas neutre en carbone si on applique les lois de la physique et non celles de la politique. Dans ce scénario, on remarquera que le total du nucléaire installé n'est que de 50 GW en 2050, alors qu'on a à ce jour 61 GW installés. Même dans ce scénario, on diminue la part du nucléaire, alors que les besoins en électricité vont exploser si on veut par ailleurs décarboner de nombreuses activités actuellement productrices de CO2, transports, industrie, etc.

Quant au scénario M0 à 100% EnR, je ne vois pas comment ça fonctionne, à moins de déployer des dizaines de centrales à gaz pour éviter les blacks out, alors qu'il est écrit dans ce même rapport que la centrale de Landivisiau sera la dernière centrales fossile construite en France.

Il est évoqué le besoins en stockage, mais non chiffrés en GWh, et  surtout inaccessibles raisonnablement avec les techniques actuelles, dont on ne voit pas qu'elle vont pouvoir évoluer sérieusement du côté des batteries.

De mon point de vue, la seule technique de stockage que l'on puisse qualifier de propre, est la production d'hydrogène vert, à grande échelle, mais aussi à petite échelle. Techniquement ça reste dans les technologies où il y a encore à chercher du côté des rendements, car dans l'état actuel de nos connaissances, on ne fait pas mieux que 25% de rendement, ce qui signifie que pour une même quantité d'électricité stockée et transportable, il faut prévoir 4 fois plus de moyens de production EnR.

A retenir tout de même les scénarios d’évolution de la production d'électricité sur les années à venir, ce qui est nommé 'trajectoires dans le rapport vont selon le scénario des 550 TWh actuels stable sur les 30 années à venir, vers un maximum à 750 TWh ce qui me parait peu.

Je retiens aussi que la justification du déploiement des EnR à outrance est justifiée par leurs faibles délais de mise en œuvre, contrairement au nucléaire où le scénario est très pessimiste quant à nos capacités politiques à prendre des décisions, technique, et financière pour leur construction.

Je continue ma lecture, et je vous frai part des mes remarques au fur et à mesure.

Pour le collectif Vigies de la côte des Avens.

Jean-Paul Arnoul

PS : Voir ici ce qui se passe en Espagne...

Début de paralysie industrielle en Espagne suite au prix de l’électricité



 Présentation du rapport par RTE

18.10.2021

Transition énergétique

RTE publie les principaux enseignements de son étude prospective « Futurs Énergétiques 2050 ». Elle analyse les évolutions de la consommation et compare les six scénarios de systèmes électriques qui garantissent la sécurité d’approvisionnement, pour que la France dispose d’une électricité bas-carbone en 2050. Ce travail est inédit dans son ampleur et par le niveau de concertation qu’il a nécessité. 


Le replay de la conférence de presse du lundi 25 octobre 2021 est accessible sur Youtube. Bon, ça dure tout de même 2 heures.

Xavier Piechaczyk

Président du Directoire

La France doit simultanément faire face à deux défis : d’une part produire davantage d’électricité en remplacement du pétrole et du gaz fossile et, d’autre part renouveler les moyens de production nucléaire qui vont progressivement atteindre leur limite d’exploitation d’ici 2060. La question est alors : avec quelles technologies produire cette électricité totalement décarbonée ? Énergies renouvelables et/ou nouveau nucléaire et dans quelles proportions ? L’étude « Futurs énergétiques 2050 » de RTE a vocation à documenter et analyser les options de mix électriques, leurs avantages, leurs inconvénients, leurs impacts et leurs conséquences. C’est essentiel pour éclairer le débat public.

Les enseignements de l’étude 


Atteindre la neutralité carbone implique une transformation de l’économie et des modes de vie, et une restructuration du système permettant à l’électricité de remplacer les énergies fossiles comme principale énergie du pays.


Sur la consommation 
 

  • 1) Agir sur la consommation grâce à l’efficacité énergétique, voire la sobriété est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques ;
  • 2) La consommation d’énergie va baisser mais celle d’électricité va augmenter pour se substituer aux énergies fossiles ;
  • 3) Accélérer la réindustrialisation du pays, en électrifiant les procédés, augmente la consommation d’électricité mais réduit l’empreinte carbone de la France ;



Sur la transformation du mix électrique
 

  • 4) Atteindre la neutralité carbone est impossible sans un développement significatif des énergies renouvelables ;
  • 5) Se passer de nouveaux réacteurs nucléaires implique des rythmes de développement des énergies renouvelables plus rapides que ceux des pays européens les plus dynamiques ;



Sur l’économie 
 

  • 6) Construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique, a fortiori quand cela permet de conserver un parc d’une quarantaine de GW en 2050 (nucléaire existant et nouveau nucléaire) ;
  • 7) Les énergies renouvelables électriques sont devenues des solutions compétitives. Cela est d’autant plus marqué dans le cas de grands parcs solaires et éoliens à terre et en mer ;
  • 8) Les moyens de pilotage dont le système a besoin pour garantir la sécurité d’approvisionnement sont très différents selon les scénarios. Il y a un intérêt économique à accroître le pilotage de la consommation, à développer des interconnexions et du stockage hydraulique, ainsi qu’à installer des batteries pour accompagner le solaire. Au-delà, le besoin de construire de nouvelles centrales thermiques assises sur des stocks de gaz décarbonés (dont l’hydrogène) est important si la relance du nucléaire est minimale et il devient massif – donc coûteux - si l’on tend vers 100% renouvelables ;
  • 9) Dans tous les scénarios, les réseaux électriques doivent être rapidement redimensionnés pour rendre possible la transition énergétique ;



Sur la technologie 
 

  • 10) Créer un « système hydrogène bas-carbone » performant est un atout pour décarboner certains secteurs difficiles à électrifier, et une nécessité dans les scénarios à très fort développement en renouvelables pour stocker l’énergie ;
  • 11) Les scénarios à très hautes parts d’énergies renouvelables, ou celui nécessitant la prolongation des réacteurs nucléaires existants au-delà de 60 ans, impliquent des paris technologiques lourds pour être au rendez-vous de la neutralité carbone en 2050 ; 
  • 12) La transformation du système électrique doit intégrer dès à présent les conséquences probables du changement climatique, notamment sur les ressources en eau, les vagues de chaleur ou les régimes de vent ;



Sur l’espace et l’environnement 
 

  • 13) Le développement des énergies renouvelables soulève un enjeu d’occupation de l’espace et de limitation des usages. Il peut s’intensifier sans exercer de pression excessive sur l’artificialisation des sols, mais doit se poursuivre dans chaque territoire en s’attachant à la préservation du cadre de vie ;
  • 14) Même en intégrant le bilan carbone complet des infrastructures sur l’ensemble de leur cycle de vie, l’électricité en France restera très largement décarbonée et contribuera fortement à l’atteinte de la neutralité carbone en se substituant aux énergies fossiles ;
  • 15) L’économie de la transition énergétique peut générer des tensions sur l’approvisionnement en ressources minérales, particulièrement pour certains métaux, qu’il sera nécessaire d’anticiper ;

 

Généraux 
 

  • 16) Pour 2050, le système électrique de la neutralité carbone peut être atteint à un coût maîtrisable pour la France ;
  • 17) Pour 2030 : développer les énergies renouvelables matures le plus rapidement possible et prolonger les réacteurs nucléaires existants dans une logique de maximisation de la production bas-carbone augmente les chances d’atteindre la cible du nouveau paquet européen « -55% net » ;
  • 18) Quel que soit le scénario choisi, il y a urgence à se mobiliser.

 

samedi 16 octobre 2021

08 - Le vrai coût de l’éolien

 L’éolien est-il moins cher que le nucléaire ?

Barbara Pompili dans son discours du 20 juillet 2021 :

« Je suis soucieuse de l’argent du contribuable, l’éolien coûte moins cher que le nucléaire. »

Que faut-il penser de cette affirmation ?

Exercice

Soit un opérateur qui veut investir dans la construction de 30 éoliennes de 8 MW en Bretagne sud, après avoir été sélectionné par la Commission de Régulation de l’électricité dans le cadre d’une consultation. Il est choisi pour installer une puissance éolienne totale de 250 MW.

Le parc éolien produira chaque année 250 MW avec un facteur de charge de 35%, soit 3000 heures par an en moyenne pour un total de 750 000 kWh par an.

RTE  lui garantit le raccordement au réseau, soit un investissement de 150 M€ supporté par l’usager. Le contrat précise qu’EDF lui achètera prioritairement l’électricité produite au prix garanti de 120 € du kWh, soit un montant total de 92 M€ par an.

Dans le cadre de sa proposition financière à la CRE, il a évalué le coût du MW installé en mer à 4 M€, soit un total de 250 x 4 = 1000 M€. Il a donc été retenu dans le cadre de la négociation concurrentielle.

Premier cas :

Il dispose d’une trésorerie de 200 M€, qu’il va compléter par un emprunt bancaire de 800 M€ sur 15 ans au taux de 3,5%, pour lequel il remboursera chaque année 68,6 M€. Cet emprunt lui coûtera à terme 230 M€ d’intérêts, et 5% par an de manque à gagner sur un placement de ses 200 M€ de trésorerie.

On a donc chaque année pendant 15 ans le bilan financier suivant :

Capital investi de 200 M€

Le rendement de l’investissement de 200 M€ est donc de 2% par an sur les 15 premières années, et de 36% sur les dernières années. Un véritable pactole, et l’opérateur à intérêt à faire durer le plus longtemps possible leurs éoliennes, et à négocier un contrat de 25 ans.

On voit aussi que le prix d’achat du MWh fixé à 120 € dans le décret du 21 avril 2020 permet à l’opérateur de financer le projet en toute sécurité. C’est en fait le moyen choisi par l’État pour subventionner les énergies renouvelables.

Second cas : 

L'industriel ne dispose que d'un investissement initial de 50 M€, mais au vu de la sécurité du contrat et de sa crédibilité industrielle, il obtient d'une banque un prêt de 950 M€ sur 20 ans.

Capital investi 50 M€

Si l’opérateur réussit à obtenir un prêt de 950 M€ sur 20 ans avec une mise de seulement 50 M€, il peut alors obtenir un rendement 30 % annuel sur le capital investi de 50 M€, pour la durée du contrat de 20 ans.

On voit que pour l’opérateur, ce n’est pas simplement la mise en place d’un savoir-faire technique dont on peut supposer qu’il le maîtrise, mais aussi d’un montage financier qui peut être très juteux et sans risques. 

Comparaison avec le coût du nucléaire

Dans l’état actuel de la technologie, on a vu qu'il n’est pas raisonnablement possible de stocker l’électricité en quantité suffisante pour pallier l’intermittence de l’éolien. La solution qui s’impose pour assurer la continuité du service est la construction de centrales à gaz qui ont la souplesse nécessaire, tout en dégageant moitié moins de CO2 que le charbon ou le fuel.

Si l’on ajoute au coût d’investissement de l’éolien, le coût de ces centrales à gaz, le total est du même ordre de grandeur que celui d’un EPR prototype dont le coût à explosé du fait de la perte du savoir-faire français causé par 30 ans d’atermoiements des gouvernements successifs sur le sujet du nucléaire, et aussi des erreurs de gestion de projet grossières du maître d’œuvre EDF. 

Pour ceux que ça intéresse, je vous propose de lire le rapport édifiant rédigé à la demande d'EDF par Jean-Martin Folz

Quand la décision sera enfin prise de construire les 3 paires de réacteurs EPR proposés par EDF et dont la France à besoin pour remplacer les réacteurs les plus anciens, (ceci même dans l’hypothèse d’une réduction du nucléaire à 50% prévue par la PPE) et ainsi faire face à l’électrification des usages qui permettra de réduire les émissions de CO2, on verra que le coût d’un réacteur EPR de série sera au moins divisé par 2, soit 6 milliards d’euros par réacteur, comme on l’a vu en Chine.

Par ailleurs, un EPR est conçu pour durer 60 ans, et il faut tenir compte dans le coût de l’éolien de son renouvellement tous les 20 ou 25 ans, ce qui à durée d’exploitation comparable triple son prix. Il est pour le moins malhonnête de comparer les coûts d’investissement initiaux sans prendre en compte la durée de vie de l’installation, ni les solutions de compensation (back-up) de l'intermittence des ENR.




Ce tableau démontre que le coût de l'éolien maritime adossé à des centrales à gaz compté en kWh et par an est du même ordre de grandeur que celui de l'EPR prototype de Flamanville, dont on peut raisonnablement espérer que le retour d'expérience aura appris à ses constructeurs à ne pas refaire les même erreurs, et dont le coût se série sera au moins divisé par 2, comme pour les 2 EPR construits avec la Chine.

Ce calcul démontre aussi le risque de perte de souveraineté énergétique de la France, qui devra importer du gaz au prix du marché, dont vous avez pu constater qu'il est en train d'exploser ces temps-ci, de même pour les et des métaux nécessaires à la construction des éoliennes.

Coût pour l’usager

Pour un coût moyen de la production de l’électricité de 32,20 € par MWh déclaré par RTE en 2020, l’usager EDF va payer sur cette somme un pourcentage correspondant au coût du transport par RTE et de la distribution par ENEDIS. Ce pourcentage dépend de la puissance de l’installation, notamment selon qu’on est industriel ou particulier.

Pour un abonnement individuel de 6 kVA, le coût passe de 3,22 centimes/kWh à la production, à 11,3 centimes à la distribution, soit 8,08 centimes qui représente 351% du coût de production.
Ramené en Euros par MWh, cela fait un coût de production de 32,20 € auxquels il faut ajouter 80,80 € de transport et distribution, soit 113 € du MWh en 2020.

L’usager paie également sur sa facture d’électricité différentes taxes :

· Une taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE) avec une TVA à 20% qui remplace l’ancienne taxe locale (TLE) et qui correspond aux parts communales et départementales.

·    Une taxe nationale désignée par le sigle CSPE, soit Contribution au Service Public d’Electricité qui est en fait la contribution de l’usager au financement des énergies renouvelables, éolien et solaire, elle-même taxée à 20% de TVA

·    Une contribution tarifaire d’acheminement (TFA) elle-même taxée à 5,5% de TVA destinée à financer le régime de retraite des salariés des industries électriques et gazières en France.

Le coût de production et d’acheminement de 113 € du MWh est ainsi encore abondé dans cet exemple de 41,6%, soit 47€ du MWh, dont 27 € pour la CSPE (23%)

Le coût de production de 32,20 € du MWh en 2020 devient sur la facture de l’usager un coût de 205 €, soit facteur multiplicatif global de 6 en comptant toutes les taxes et les taxes sur les taxes.

Pour un coût de production des éoliennes fixé à 120 €/MWh, cela correspondrait à 720 € du MWh au compteur pour l’usager, qu’il faudrait moyenner avec 420 €/MWh pour le gaz, à comparer avec 540 €/MWh pour de l’électricité nucléaire fournie par un EPR prototype qui passerait à 270 €/MWh pour un EPR de série. 

Ces chiffres certes théoriques permettent de fixer les ordres de grandeur et de comparer les coûts, car en pratique le coût du MWh pour l’usager est une moyenne calculée sur la totalité du mix électrique français.

Conclusion

En fait, quand la France construit un réacteur nucléaire, l’EDF est le Maître d’œuvre, et le financement est fait par l’État, son actionnaire principal, qui doit emprunter pour cela. Le prix de revient du MWh nucléaire est actuellement de l’ordre de 32 €, étant donné que les réacteurs français sont amortis.

Dans le cas des parcs éoliens, le financement est assuré par les opérateurs qui empruntent 80% à 95% de l’investissement, et donc l’EDF ne finance que le raccordement au réseau RTE qui est aussi garanti par contrat. Il faut alors compter environ 0,6 M€ par MW installé, soit 150 M€ pour un parc éolien de 250 MW.

Vu comme ça c’est effectivement moins cher… pour l’État, mais pas pour l’usager.

L’État serait de plus bien mieux placé pour obtenir des prêts à des taux bien plus faibles que n’importe quel industriel éolien, avide d’argent public et peu soucieux de l'environnement.

Rappelons ici qu'EDF est contraint par contrat d'acheter à tout moment, jour et nuit donc, 365 jours par an, qu'il en ait besoin ou non, la production de ces « moulins à vent » au prix moyen actuel pour l’éolien terrestre de 92,4 €/MWh les dix premières années, puis de 28 € à 82 €/MWh de la dixième à la quinzième année.

Le tarif est encore plus élevé pour l'éolien en mer (de 110 €/MWh,120 €/MWh, voire 150 € à ce jour selon les projets). De surcroît, au cours de la dernière décennie, certains contrats pour l'éolien terrestre – toujours en cours – furent signés avec une garantie de rachat supérieure à 200 €/MWh, bien entendu payée par nos factures d'électricité et les taxes qui les alourdissent. 

Sans compter qu’à la fin du contrat de 20 ans, les éoliennes seront pratiquement en fin de vie. L’État ou le propriétaire du terrain dans ce cas devra aussi financer le démantèlement… Les contrats fixent une provision de 50 000 € par éolienne pour son démantèlement, chiffre notoirement insuffisant, et qui de toutes façon sera impossible à récupérer, car les promoteurs éoliens seront tous aux abonnés absents dans 10 ou 15 ans.

Les investisseurs sont donc certains de vendre leur production à prix fixe pendant une longue période. Et comme les recettes sont garanties, ils n'ont pas besoin de mettre souvent la main à la poche et empruntent souvent sur le marché 95 % du coût de l'investissement. Les rendements de telles opérations sont de l’ordre de 30%.

Pour le collectif  Vigies de la côte des Avens

Jean-Paul Arnoul

Pour plus d'informations sur les enjeux du projet de parc éolien Groix-Belle Île, consultez notre site "Sauvons notre littoral" et profitez-en pour signer la pétition nationale.

 








vendredi 15 octobre 2021

07 - Le stockage de l’électricité

 Avant-propos

Les partisans des énergies renouvelables "fatales" opposent souvent l'argument du stockage de l'électricité comme étant la solution à l'intermittence de la production. Les progrès techniques déjà réalisés et surtout ceux à venir sont considérés comme la panacée qui permettra de rendre le mix électrique renouvelable vertueux et totalement décarboné.

Si ces technologies peuvent effectivement remplacer le gaz en complément de l’éolien et du solaire, il faut avoir en tête quelques ordres de grandeur, qui remettent sérieusement en cause ces solutions à grande échelle.

Nous considérerons ici trois différentes techniques de stockage, afin d’en évaluer les performances et la faisabilité technique en regard des besoins : 

Les batteries, 

L'hydrogène, 

Les stations de pompage.

Stockage par batteries

Une batterie fonctionne sur le principe de la transformation d’énergie électrique en énergie chimique et réciproquement. L’énergie est stockée dans des matériaux (plomb, lithium, etc.). 

La loi de Moore qui dit que la capacité mémoire des ordinateurs double tous les 18 mois, ne fonctionne pas pour la chimie : en effet, pour stocker 2 fois plus d’énergie, il faut obligatoirement 2 fois plus de matériaux. 

Le seul progrès que l’on puisse attendre de la recherche est un meilleur rendement. La technologie Li-ion est ce qu’on a de plus performant en termes de masse par kWh à ce jour. Les recherches actuellement en cours au CEA-LITEN sur une technologie remplaçant le lithium par du sodium plus abondant dans la nature donnent des batteries certes moins chères, mais 3 fois moins performantes. On est donc arrivé à un optimum dans ce domaine.

Le rendement de charge d’une batterie Li-ion est de l’ordre de 88% et le rendement de décharge de 93%, ce qui en soit est remarquable. Pour utiliser l'énergie stockée, il faut utiliser un onduleur pour transformer le courant continu de la batterie en courant alternatif, puis un transformateur pour alimenter un moteur électrique. On obtient alors un rendement système global de 70% (Source ADEME). Ce qui signifie qu’on a 30% de l’énergie stockée qui est perdue (sous forme de chaleur).

Comparons les performances de deux exemples de batteries bien connus :

Batterie de démarrage de voiture :

Plomb et acide sulfurique, tension 12V, 20 kg/ kWh.

Capacité 100 Ah, soit 1200 Wh, 1,2 kWh pour 25 kg, 

Coût 100 €, soit 83€/kWh

Batterie de voiture électrique (ce qu'on fait de mieux à ce jour) :

Lithium-ion, tension 400V, 6kg/kWh

Capacité 52 kWh (Zoé) pour 326 kg, 110 kWh sur certains nouveaux modèles.

Coût 12 000 €, 40% du prix de la voiture, soit 230 €/kWh

Prenons l’hypothèse optimiste d’un stockage par batterie Li-ion ayant un coût réduit à 100 €/kWh issu d'une «Gigafactory», en négligeant toutefois la notion de rendement pour simplifier.

Pour remplacer une seule éolienne de 8MW un jour sans vent, il faudrait :

Sur 24 heures il faudrait stocker 192 MWh, avec 1100 tonnes de batteries (6t/MWh), pour un coût de 20 M€ (100€/kWh)

Pour une semaine sans vent, il faudrait alors stocker 1,3 GWh dans 7800 tonnes de batteries Li-ion, pour un coût de 140 M€, soit un hangar de 10 m de haut et de 780 m², sans compter des couloirs de circulation et de ventilation.

Exemple de réalisation concrète : 100MWh de stockage sur batterie Lithium-Ion pour un investissement de 33 M€ à Deux-Acren qui vient d'être mise en service en Belgique (décembre 2022). voir https://corsicasole.com/project/deux-acren/ 
Objectifassurer la régulation de la fréquence sur le réseau d’électricité belge, et non pas pallier à l'intermittence du renouvelable.

Pour remplacer 660 éoliennes (5280 MW) un seul jour sans vent, il faudrait donc :

Sur 24 heures, soit 126,7 GWh à stocker qui nécessiteraient pas moins de 726 000 tonnes de batteries, installées dans un hangar de 7 hectares (10 terrains de foot), pour un coût de 13 200 M€, soit plus cher qu’un EPR prototype à 12 milliards d’euros d'une puissance de 1650 MW.


Remarques :

1. Le lithium est un matériau extrêmement inflammable, et on observe régulièrement des cas d’explosion de batterie Li-ion sur des téléphones. La charge des batteries dégage de l’hydrogène ce qui constitue aussi un risque important. Je vous laisse imaginer le risque pour une telle installation…

2. Le nombre de cycles de charge, et décharge rapide d’une batterie Li-ion est de 1000, chiffre au-delà duquel elle perd sa capacité. On peut en revanche avoir plusieurs milliers de cycles en charge lente, mais la tendance est de vouloir recharger sa voiture électrique le plus rapidement possible...

3. Une usine d’une capacité de production de batteries de 5 GWh réclamerait chaque année 4 000 tonnes de carbonate de lithium et 8 300 tonnes de métaux rares. Or, selon différentes études, la capacité de production de ce type de batterie va augmenter pour atteindre 1,3 TWh d’ici 2030 (soit 260 fois plus).

Dans le processus de fabrication de la batterie pour un véhicule tout électrique, des métaux rares y sont intégrés. Si le lithium s’avère le principal composant, on peut aussi trouver : du manganèse, du cobalt, du nickel, du cuivre et de l’aluminium.

D’autres matériaux comme le graphite et les solvants sont également utiles. On peut aussi utiliser du sodium à la place du lithium, matériau beaucoup moins rare et moins cher, mais les performances des batteries sont réduites. (Recherches du CEA/LITEN)

Bilan carbone des batteries 

Mais, une dernière remarque et non la moindre,  c'est qu'il faut aussi considérer les émissions de CO2 lors de la fabrications de batteries, dans une usine qui va utiliser beaucoup d'énergie, plus ou moins décarbonée selon la production d'électricité du pays où elle est implantée.

Une étude de l'ADEME donne les résultats suivants pour la production de batteries de voitures électrique en France et l'Allemagne : 

En France

Avec un mix électrique Français considéré comme faiblement carboné, la production d’un kWh de batterie est de de 110 g CO2/kWh. 

En Allemagne :

Avec un mix électrique Allemand considéré comme fortement carboné : la production d’un kWh de batterie en Allemagne de 623 g CO2/kWh 

On a vu que l'intermittence d'une éolienne marine de 8 MW, qui produit à pleine puissance 192 MWh d'électricité pourrait être compensée sur 24 heures par 1100 tonnes de batteries.

Ces batteries fabriquées en France avec une électricité décarbonée à 93% grâce au nucléaire, seraient la source de 21 tonnes d'émissions de CO2. Les mêmes batteries fabriquées en Allemagne produiraient 120 tonnes de CO2. Tout ça pour économiser l'émission de 85 tonnes ce CO2 d'une centrale à gaz. L'avantage sur le plan du CO2 n'est donc pas évident, et le coût des batteries serait de toute façon prohibitif.

Stockage sous forme d’hydrogène

Le gaz hydrogène (H2) est un vecteur énergétique, au même titre que l’électricité. Ce n’est pas un combustible que l’on trouve dans la nature, au contraire du gaz naturel. Il faut le produire et le stocker, ce qui consomme beaucoup d’énergie, et de ce fait, on peut considérer un réservoir d'hydrogène comme étant un stockage d'électricité.

La combustion de l’hydrogène est parfaitement propre, ne dégageant que de l’eau, à condition toutefois qu’il ne soit pas produit à partie de gaz naturel (méthane) comme c’est généralement le cas actuellement.

 2 x H2O + énergie <=> 2 x H2 + O2

Il faut donc le produire par cassure de la molécule d’eau, selon 2 procédés envisageables : à basse température à partir d’électricité (électrolyse) ou bien à haute température à partir d’une source de chaleur.

La chaîne de production est alors la suivante :

·         Un électrolyseur alimenté en électricité permet de casser la molécule d’eau, ce qui nécessite beaucoup d'énergie.
·        Un compresseur est ensuite nécessaire pour stocker l’hydrogène dans un réservoir sous pression autour de 700 bars, ou mieux sous forme liquéfiée, ce qui nécessite encore beaucoup d'énergie.

·        Le transport de l'hydrogène sur le lieu d’utilisation se fait dans un réservoir ou par des canalisations, ce qui provoque beaucoup de pertes, la molécule d'hydrogène ayant tendance à tendance à passer au travers des matériaux des parois.
·        La dernière étape est la production d'électricité dans une pile à combustible (PAC) technologie connue depuis les années 60 (on est allé sur la lune avec des piles à combustibles), mais d'un rendement faible, et nécessitant un catalyseur en mousse de platine très cher.


L’électrolyse à haute température (500 à 1000°C) permettrait d’augmenter le rendement du stockage d’environ 50%, en utilisant directement la chaleur issue d’un réacteur nucléaire dédié par exemple. Toutefois ce procédé n'est pas industrialisés à ce jour.

L'hydrogène est une solution intéressante pour les besoins de mobilité, mais il faut avoir en tête que le rendement de 25% de la chaîne de production complète, nécessiterait de multiplier par 4 les moyens de production d'énergie renouvelable nécessaire à la production électrique souhaitée.

Pour aller plus loin sur ce sujet, je vous propose cette vidéo très bien faite de la chaîne YouTube "Osons comprendre"

 Stockage par pompage (STEP)

La technique la plus adaptée au stockage d’électricité en grande quantité est celle des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).


Les STEP bénéficient d’un bon rendement (rapport entre électricité produite et l’électricité consommée) qui est situé entre 70% et 85%. Cela signifie que pour produire 1 MWh, il a fallu préalablement consommer près de 1,25 MWh en moyenne pour pomper l’eau jusqu’au bassin supérieur.

À ce jour, nous avons en France 6 unités de pompage, pour une puissance installée de 4,8 GW, qui ont produit en 2020 4,3 TWh d’énergie, soit moins de 1% de la production hydraulique en France

S’il n’y a pratiquement plus aucun site permettant la construction de nouveaux barrages en France, il est toutefois encore possible d’installer des stations de pompage sur quelques barrages existants.

L’objectif PPE pour 2028 est de monter cette capacité à 5,7 GW, par une ou deux stations supplémentaires à construire on ne sais où.

 Références :

https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/hydroelectricite-stations-de-transfert-d-energie-par-pompage-step

Conclusion

Ce bref tour d'horizon des techniques de stockage de l'électricité disponibles à ce jour montre que vouloir compenser l'intermittence des éoliennes par du stockage d'électricité au regard des besoins est une illusion qui relève de croyances non scientifiques, de la désinformation, voire du phantasme.

Pour le collectif  Vigies de la côte des Avens
Jean-Paul Arnoul

Pour plus d'informations sur les enjeux du projet de parc éolien Groix-Belle Île, consultez notre site "Sauvons notre littoral" et profitez-en pour signer la pétition nationale.

40 - Index des articles déjà parus

  Nous vous proposons dans ce blog une série d'articles destinés à vous informer et à vous faire réfléchir de façon objective sur le t...