L'hydrogène est-il l'avenir de la voiture électrique ?
L’hydrogène est le gaz le plus léger de tout l’Univers :
un litre de ce gaz ne pèse que 90 mg à pression atmosphérique, il est donc
environ 11 fois plus léger que l’air que nous respirons.
Efficacité
énergétique : Match nul
Un kilo d’hydrogène peut fournir en effet 16
kilowatts/heure (kWh) d’énergie, à comparer à la quantité d’énergie contenue
dans un litre de carburant (essence ou diesel) qui est environ de 10 kWh.
Toutefois, il faut tenir compte du rendement de la chaîne
de production de l’hydrogène, de son stockage sous pression, et du rendement de
la pile à combustible, qui est au totale d’environ 25%. Ce qui signifie que le
kilo d’hydrogène produit fournit en réalité 4 fois moins d’énergie, soit 4
kWh, à comparer aux 16 kWh d’électricité décarbonée qu’il a fallu fournir
en amont de la chaîne.
Les meilleurs moteurs à combustion contemporains ont un
rendement thermique d'environ 38%. Il peut atteindre 40% avec une grosse
cylindrée, une injection directe et un nouveau système de réglage de phase ou
de levage de la came.
Le rendement d’un moteur thermique est au mieux de de
38%, de qui signifie que les 10 kWh d’essence du réservoir ne fournissent que
3,6 kWh d’énergie réellement utilisable pour déplacer le véhicule.
L'efficacité maximale d'un moteur électrique dépend de
beaucoup de paramètres. Cependant, tout moteur électrique bon marché peut
atteindre environ 80% et ceux que l'on trouve dans les voitures électriques
haut de gamme ont un rendement maximal de 92 à 95%.
Le moteur électrique avec ses 90% de rendement sur 4
kWh, fournira 3,6 kWh aux roues du véhicule, soit la même quantité d’énergie
que le moteur thermique, ramenés à l’énergie en amont de la chaîne de
production.
Toutes choses égales par
ailleurs, 1 kilo d’hydrogène décarboné produit pour la propulsion d’un véhicule
électrique est comparable à 1 litre d’essence utilisé dans un moteur thermique.
Coût d’exploitation : Avantage moteur électrique
La voiture à hydrogène est d’abord un véhicule
électrique, pour lequel on a remplacé la batterie par un réservoir
d’hydrogène qui alimente une pile à combustible qui fournit l’électricité au
moteur. Certaines voitures électriques
ont un moteur sur chaque roue, ce qui permet une simplification de la
transmission et une optimisation de l’utilisation d’électricité.
Les moteurs électriques coûtent moins cher à entretenir, en
raison de la simplicité relative d'un système de moteur électrique par rapport
à l'entretien fréquent requis pour le fonctionnement d'un système à combustion
interne.
Le coût de l'électricité associé à l'exploitation d'un véhicule
électrique à batterie est nettement inférieur au coût de l'essence requis pour
un moteur thermique. Il est toutefois important de recharger son véhicule chez
soi, le coût de la recharge sur des bornes publiques étant souvent nettement
plus cher.
Pour un véhicule à hydrogène, le coût d’exploitation
relatif au stockage d’hydrogène et à la pile à combustible et également très
faible. Seul le coût de production de
l’hydrogène est significatif.
Coût de fabrication : Avantage moteur thermique
Les véhicules à moteurs électriques sont beaucoup plus
coûteux à fabriquer que les véhicules thermiques comparables, principalement en
raison du coût de la fabrication des batteries.
Les matériaux utilisés pour la construction d’un moteur
thermique sont moins nombreux et beaucoup plus courants (acier, aluminium),
alors que les moteurs électriques utilisent des matériaux très variés, qui de
plus sont souvent en tension sur le marché mondial (cuivre, terres rares, etc.)
Dans le cas du véhicule à hydrogène, le coût du réservoir
de stockage et surtout celui de la pile à combustible dont le catalyseur
utilise du platine, font encore monter ce coût, à moins que les recherches en
cours permettent d’utilise un autre type de catalyseur.
Stockage de l’énergie > Avantage moteur thermique
La technologie des batteries automobiles a rapidement
évolué depuis la mise sur le marché de la génération actuelle de moteur
thermique. Le prix par kilowattheure des batteries lithium-ion a été
divisé par trois entre 2010 et 2015. Ces avantages en matière de coûts
sont toutefois entièrement compensés par une foule d'autres facteurs
économiques.
Malgré tout, il faut tenir compte du prix du lithium
nécessaire à la fabrication des batteries qui risque d’augmenter avec la
tension internationale sur la disponibilité de ce matériau, ou d’autres
matériaux utilisés comme le cobalt. Des technologies beaucoup moins chères
utilisant du sodium en lieu et place du lithium sont développées par le CEA,
mais leur capacité de stockage est moindre. On peut considérer que la
technologie lithium-ion est l’optimum de ce que peut faire la chimie à ce jour en
termes de rapport poids/énergie stockée, et on ne voit pas comment on pourrait
faire mieux à grande échelle.
Par ailleurs, le temps nécessaire à la recharge de la
batterie est un gros inconvénient.
Stockage de l’hydrogène > Avantage moteur thermique
Le coût et la masse du réservoir de carburant d’un véhicule
thermique sont pratiquement négligeables, à comparer aux difficultés techniques
du stockage de l’hydrogène.
En effet, il faudrait un volume d’environ 11 m3,
c’est-à-dire le volume du coffre d’un grand utilitaire, pour seulement stocker
1 kg d’hydrogène, soit la quantité nécessaire pour parcourir 100 km.
Il est donc indispensable d’augmenter sa densité et plusieurs techniques
existent pour cela.
La méthode la plus simple permettant de diminuer le volume
d’un gaz à température constante, est d’augmenter sa pression. Ainsi, à
700 bars, l’hydrogène possède une masse volumique de
42 kg/m3 contre 0.090 kg/m3 à pression et température ambiante.
À cette pression, on peut stocker 5 kg d’hydrogène dans un réservoir de
125 litres.
Aujourd’hui la majeure partie des constructeurs automobiles
a retenu la solution du stockage sous forme gazeuse à haute pression. Cette
technologie permet de stocker la quantité d’hydrogène nécessaire à une voiture
alimentée par une pile à combustible pour parcourir de 500 à 600 km entre
chaque plein. Le stockage de l’hydrogène liquide sous forme cryogénique est
réservé aux moteurs de fusées, étant donné la complexité de sa mise en œuvre.
Le gros avantage de l’hydrogène est que la durée nécessaire
à faire le plein du réservoir, est comparable à celui du plein d’un véhicule à
moteur thermique.
Un partenariat entre le Centre à l'énergie atomique et aux
énergies alternatives (CEA) et son partenaire industriel, l'entreprise
française RAIGI, ont conçu et fabriqué un réservoir à hydrogène de type IV,
d’une capacité de 62 litres à une pression nominale de 700 bars.
La coque est en matériau composite de fibres de carbone,
mais qui doivent, pour des raisons de résistance mécanique, être enroulées de
façon extrêmement précise pour ne laisser aucun point faible sur l'ensemble de
la coque. Le robot industriel à 8 axes, mis au point au CEA, permet
l'enroulement filamentaire de 200 000 km de fibres autour d’une vessie de
plastique intérieure au réservoir en quelques dizaines de minutes.
C'est le laboratoire du CEA Le Ripault qui a conçu durant
15 ans de recherche ce réservoir adapté aux voitures et qui permet de charger
2,5 kg d'hydrogène. Les voitures électriques à pile à hydrogène japonaises
(Toyota et Honda) et coréennes (Hyundaï) proposent 2 réservoirs à 700 bars pour
5 kg d'hydrogène embarqués, pour une autonomie de 500 km du véhicule.
Coûts de l’énergie > Avantage moteur électrique
L’hydrogène peut être produit par différentes techniques, le
vaporeformage du méthane, très émetteur de CO2, et l’électrolyse de l’eau
procédé totalement décarboné.
L’hydrogène est actuellement un gaz industriel important :
75 millions de tonnes sont fournies annuellement à l’industrie chimique, près
de 45% pour le raffinage pétrolier (désulfuration), presque autant pour la
production d’ammoniac et d'engrais azotés, environ 10% pour les industries
alimentaires, électroniques et métallurgiques et enfin près de 1%
pour la propulsion spatiale des fusées par combustion d’hydrogène et d’oxygène
liquides.
La France produit près d’un million de tonnes d’H2 par an,
soit 1,5% de la production mondiale (contre de l'ordre de 10 Mt par an pour les
États-Unis(1)
ou la Chine).
Vaporeformage du méthane : une catastrophe pour l’écologie
Aujourd’hui, l’hydrogène pour l’industrie est produit quasi
intégralement (à 96%) en l’extrayant du gaz naturel sous l’action de la
vapeur d’eau surchauffée. Ce vaporeformage du méthane, après désulfurisation du
gaz naturel, se fait en deux étapes à haute température (entre 700°C et
1 000°C) où sont rompues les liaisons de l’hydrogène (dans l’eau avec
l’oxygène, dans le méthane avec le carbone) :
Des catalyseurs métalliques sont utilisés (nickel, fer,
chrome, cuivre) pour faciliter les réactions. Le vaporeformage est associé à
une très lourde émission de CO2 : pour une tonne de H2 produite, 10 à 11
tonnes de CO2 sont produites et en général émises dans l’atmosphère.
Le vaporeformage est le procédé le plus économique actuel
pour produire l’hydrogène industriel. Évalué à 1,5 €/kg, son coût au
kg reste cependant le triple de celui du gaz naturel hors taxe carbone
(donc en ne tenant pas compte de sa lourde empreinte environnementale).
L’électrolyse de l’eau : une alternative écologique
De l'ordre de quelques pour cent de la production
annuelle d’hydrogène seulement sont produits par électrolyse alcaline, le
vaporeformage étant incapable d’atteindre « l’ultrapureté »
nécessaire aux laboratoires de recherche et à l’industrie des semi-conducteurs.
Le procédé d’électrolyse alcaline est à ce jour une
technologie éprouvée, l’eau y est décomposée entre deux électrodes monopolaires
baignant dans un électrolyte basique (potasse). Ce procédé très consommateur d’électricité
permet de considérer l’hydrogène produit une forme de stockage de
l’électricité, dont on a vu que le rendement des de l’ordre de 25%.
L’électrolyse alcaline produit de l’hydrogène ultra-pur
à un coût qui est environ quatre fois celui du vaporeformage (de l'ordre de
6€/kg).
Dans le contexte d’une transition énergétique globale
s’intensifiant et l’hydrogène décarboné fait l’objet d’une production
croissante, il apparaît probable que le reformage du méthane disparaîtra
progressivement.
En conclusion
Pour parcourir 100 km, l’automobiliste devra dépenser :
- 10 € avec un véhicule à moteur thermique (pour 5 litres de carburant)
- 2 à 3 € un véhicule électrique à batterie rechargé chez soi, le double sur autoroute ou sur une borne publique selon le type d’abonnement (pour 12 à 20 kWh selon le type de véhicule)
- 12 à 15 € avec un véhicule électrique à hydrogène produit par vaporeformage du méthane (pour 1 kg d’hydrogène)
Le prix à la pompe de l’hydrogène est supérieur à celui de
la production, car il inclut les coûts de distribution, des taxes et une marge
commerciale pour amortir les investissements. On peut imaginer que le coût à la
pompe restera du même ordre lorsque seront développés les procédés de
production décarbonés encore expérimentaux qui sont beaucoup plus chers à ce
jour, ceci pour des raisons commerciales.
Annexe technique sur les technologies permettant de produire
de l’hydrogène
à partir d’une source d’électricité.
L’électrolyse alcaline
L’électrolyse alcaline fonctionne à température moyenne
(80°C à 160 °C) et à pression modérée (3 à 30 bars) avec la potasse comme
électrolyte liquide. Son bon rendement (60% à 70%) est associé à une forte
inertie qui la rend mal adaptée aux fluctuations rapides des sources
électriques intermittentes. Des améliorations de la réactivité de ces
électrolyseurs par augmentation de pression ont été récemment obtenues.
Actuellement, l’effort se porte vers des architectures
modulaires lourdes qui pourraient atteindre 100 MW (25 x 4 MW) pouvant produire
plus de 40 tonnes par jour d’hydrogène (et 8 fois plus d’oxygène). Ces
électrolyseurs sont destinés aux transports (stations pour poids lourds et
grandes flottes) et à l’industrie pour rivaliser avec le vaporeformage, mais aussi
pour combler l’écart en coût (facteur 3), des effets de série considérables
seront nécessaires, assortis de ruptures technologiques significatives.
L’électrolyse P.E.M. (Proton
Exchange Membrane)
Ces électrolyseurs utilisent un électrolyte solide fait de
membranes polymères conductrices de protons H+. Les P.E.M. sont dans l’ensemble
supérieurs aux électrolyseurs alcalins, en particulier en rendement (+ 5%),
leur handicap étant un prix nettement plus élevé à cause du coût de la membrane
et des catalyseurs (métaux nobles).
Leur réactivité élevée en fait une solution adaptée à des
sources intermittentes. Enfin, c’est une technologie déjà éprouvée,
l’oxygène des sous-marins et des stations spatiales étant produite par électrolyse
P.E.M. Un des atouts majeurs, bien qu’indirect, de la technologie P.E.M. est de
bénéficier des efforts de R&D sur les piles à combustible qui sont aussi
des technologies P.E.M. Des prototypes de systèmes P.E.M./PAC réversibles sont
déjà en cours d’expérimentation en laboratoires.
L’électrolyse à haute température (HTE)
La température de l’électrolyse conditionne directement la
quantité d’électricité complémentaire à apporter pour dissocier la molécule
d’eau. Dès les années 2000, l’amélioration du rendement des électrolyseurs à
électrolytes solides (PEM ou SOEC pour Solid Oxyde Electrolysis Cell)
par augmentation de leur température a fait l’objet d’un important effort de
recherche.
En 2014, le CEA-Liten a annoncé avoir atteint un rendement
de 90% (3,5 kWh/Nm3 H2) à partir de vapeur d’eau injectée à 150°C et produisant
de l’hydrogène à 700°C. En 2018, l’électrolyse HT était ainsi mise au
premier plan comme une « brique de base » de l’initiative
gouvernementale « Plan Hydrogène » avec le soutien du
CEA/Liten.
L’électrolyse à haute
température est présentée comme le maillon-clé d’une production
d’hydrogène décarboné compétitive, associée à une
électricité intermittente (ou nucléaire, celle-ci fournissant de plus, en
cogénération, la chaleur décarbonée à haute température thermodynamiquement optimale).
Coûts de l’hydrogène produit par électrolyse
Ce sujet est un
objet d’évaluations parfois très divergentes entre partisans du stockage de
l’électricité par batteries et promoteurs des solutions tout-hydrogène,
sur fond d’affrontements sur les coûts réels des électricités d'origine
renouvelable intermittente ou nucléaire.
En août 2014, France
Stratégie avait publié une note approfondie et pessimiste sur l’économie d’une
filière hydrogène(3). Ce rapport évaluait les coûts de la
production d'hydrogène par électrolyse à au minimum 6 à 7 €/kg, avec une valeur
moyenne de 12 €/kg suivant les scénarios envisagés, ces coûts dépendant
étroitement de celui de l’électricité. Rappelons que le prix de
l’hydrogène à la pompe (Air Liquide) est actuellement de l'ordre
de 10 à 12 €/kg au minimum pour une autonomie maximale de 100 km/kg H2
(estimation Daimler pour un rendement PAC de 50 à 60%).
Fin 2017, «
le plan de développement de l’hydrogène pour la filière
énergétique » lancé par Nicolas Hulot se fondait sur
la prolongation de la forte baisse des coûts de l’électrolyse PEM
observée depuis 2010 (coûts divisés par 4), en l’évaluant entre 4 et
6€/kg pour 4 000 à 5 000 h de production par an et en l’extrapolant à 2/3€/kg
en 2030 (soit des coûts compétitifs avec le reformage du méthane).
En 2018, Morgan Stanley, dans une étude s’étendant jusqu’à l’horizon 2050(4)
construisait sa prospective sur l’hypothèse d’une profonde et durable baisse du
coût de l’électricité sous l’effet d’une offre surabondante venue du
développement mondial des énergies renouvelables intermittentes, en particulier
dans les pays émergents. L’hydrogène produit par électrolyse au pied des parcs
éoliens et solaires s’imposerait alors comme le vecteur-énergie dominant de la
décarbonation globale, Morgan Stanley prévoyant un marché mondial de
l'hydrogène passant de 130 G$ en 2017 à 2 500 G$ en 2050, avec un
prix à la pompe inférieur à 1 €/kg.
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